On y comprend plus rien politiquement mais on se réjouit des projets musicaux de « sons du Brexit ».
La Chronique Loin, c’est la chronique internationale de Clémentine Spiler tous les lundis à 8h40 dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Radio Nova. Si vous n’êtes pas du matin, vous pouvez la réécouter en podcast ou bien la lire, ci-dessous.
La Grande-Bretagne aurait dû quitter l’Union Européenne le 29 mars dernier. Finalement, l’échéance du Brexit a été à nouveau repoussée, à tel point qu’on se demande s’il ne va pas être tout simplement annulé. Après presque trois ans de tergiversations, c’est à n’y plus rien comprendre. D’ailleurs personne n’y comprend plus rien, surtout en termes administratifs. Ce week-end, on apprenait par exemple que des passeports ne portant plus la mention « Union européenne » avaient d’ores et déjà été mis en circulation.
Le débat politique est complètement saturé. On a retourné la problématique dans tous les sens : partir, rester, rester pour mieux partir et inversement. En réalité, le seul domaine dans lequel on trouve un espace de discussions ces temps-ci semble être le monde de l’art. Domaine qui n’est pourtant pas moins concerné par le Brexit, car même si la culture a été globalement absente (comme d’hab) des discussions politiques, les industries créatives seront tout autant impactées que les autres par toutes ces histoires de douanes et de taxes.
Mais l’avantage des artistes, c’est qu’ils ont une perspective un peu plus humaine des choses. Déjà, ils savent se marrer. Et l’humour anglais étant ce qu’il est, le Brexit est devenu l’un des sujets de stand up les plus populaires.
Pourtant, même l’humour souffre des divisions politiques au sein de la population. Dans un article publié en 2017, plusieurs humoristes racontaient voir des spectateurs quitter la salle après leurs blagues anti-brexit, surtout lorsqu’ils jouaient en dehors de Londres.
« On a voté pour quitter l’Europe mais nous voulions quitter l’Angleterre »
Dans le théâtre et le cinéma, on se pose aussi la question des différentes voix qu’a fait émerger ce débat social. Le Guardian a récemment publié une série de courts-métrages intitulée Brexit Shorts (disponibles avec des sous-titres sur le site d’Arte). Des fictions qui portent la voix de différentes catégories sociales : un jeune écossais anti-système, une mère d’Irlande du Nord qui prône l’unité, une fille d’immigrés indiens qui déteste l’immigration. Et puis cette anglaise typique et désabusée (Kristin Scott-Thomas) qui taille ses rosiers en se demandant pourquoi les anglais sont si en colère.
Fracture sociale chez les Smiths
Dans la musique, c’est un véritable soulèvement qui a eu lieu, avec notamment une lettre ouverte à la Première ministre Theresa May, signée en octobre dernier par des dizaines d’artistes dont notamment Brian Eno, Damon Albarn, Paul Simon, Ed Sheeran ou encore Rita Ora. Ils lui demandaient notamment un second vote, en reconnaissant que le Brexit pourrait largement impacter l’industrie musicale.
Mais tout le monde n’est pas dans le même camp. Mick Jagger, d’abord, a déclaré que ce n’était peut-être pas si grave de quitter l’UE. Et puis le Brexit, au-delà de fracturer le pays, a aussi fracturé les Smiths. Alors que Johnny Marr, moitié du duo fondateur du groupe est un signataire engagé de cette lettre de protestation, l’autre moitié, Morrissey, est quant à lui un défenseur assumé du Brexit et un soutien au politicien d’extrême droite Nigel Farrage, à qui l’on doit en partie tout le bazar actuel. De quoi stopper net les rumeurs de reformation des Smiths.
Sounds of Brexit
Mais le débat politique impacte aussi la musique en elle-même. En novembre dernier, Les Inrocks soulignaient à quel point le Brexit a fait renaître le rock contestataire qu’on avait perdu de vue depuis les années Thatcher.
Et puis, le 29 mars, date à laquelle la Grande-Bretagne devait donc quitter l’UE, un artiste sonore du nom de Matthew Herbert a sorti un beau projet de jazz… et de sons du Brexit. Si vous vous demandez quel bruit peut bien faire un Brexit, jetez-y une oreille, vous y entendrez peut-être le son d’une usine en train d’être détruite, d’une ballade le long de la frontière irlandaise, ou de quelqu’un qui cuisine un English breakfast.
Visuel (c) capture d’écran The Guardian