Le rappeur Rocé, habitué des ondes de Radio Nova, nous présente le « Le mal du pays » de Manno Charlemagne, brûlot politique et nostalgique venu d’Haïti.
Chaque semaine, le Néo Géo de Bintou Simporé vous propose de réécouter ou de découvrir une chanson emblématique de l’histoire des musiques actuelles : c’est le Classico de Néo Géo. Cette semaine, c’est le rappeur Rocé, né en Algérie et habitué des ondes de Radio Nova, qui nous présente le « Le mal du pays » de Manno Charlemagne, brûlot politique et nostalgique venu d’Haïti.
À l’heure où les rues d’Haïti sont de nouveau en feu, le fait d’une population las des malversations financières des autorités locales, Bintou Simporé s’est souvenue de Manno Charlemagne, grande voix méconnue d’Haïti qu’avait fait figurer Rocé sur Par les damné.e.s de la terre – des voix de lutte 1969-1988, la compilation que le rappeur et artiste engagé avait sortie l’an passé sur le label Hors Cadres et qui consistait, le titre parlait alors de lui-même, de compiler sur un même disque des morceaux qui parlent de luttes — ouvrières ou des décolonisations —, et ce en langue française.
Rocé : « Lorsque j’ai lancé le projet de cette compilation, je ne connaissais pas Manno Charlemagne. Mais plus le projet avançait et plus les pays que je voulais représenter augmentaient, plus je me persuadais qu’il fallait intégrer dans la compilation un morceau venant d’Haïti. L’histoire de ce pays-là, sa force, son émancipation, est symbolique. De fil en aiguille, Manno Charlemagne est arrivé ».
Très célèbre à Haïti et particulièrement apprécié par un peuple qui l’a même, durant un temps, projeté à la tête de la municipalité de Port-au-Prince — il était revenu à Haïti en 1994 pour devenir maire de la capitale — Manno Charlemagne a mené sa vie entre ses deux grandes préoccupations : la musique et le peuple. Un pied dans la politique — il est connu dans les Caraïbes pour son combat politique contre la dictature des Duvalier — et un autre dans ses chansons engagées, introspectives, tournées vers les autres. Victime de ses idées et de violences qui, à Haïti, ont fini par le menacer de manière très concrète — il s’est fait tirer dessus à plusieurs reprises —, Manno Charlemagne avait fini par quitter sa terre et à s’exiler du côté de Miami.
L’exil et l’éloignement de la terre chérie, ainsi, devinrent quelques-uns des autres grands axes de sa musique. C’est notamment le thème du « Mal du pays », un morceau que Rocé nous raconte dans Néo Géo en hommage à Manno Charlemagne, décédé en décembre 2017, et au peuple d’Haïti qui se bat, encore, pour la douce idée de la profonde liberté.
Le Néo Géo du dimanche 20 octobre, c’est en podcast.
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