Dans les années 60, des Maliens devenus des stars à Cuba.
Cette semaine, le Classico de Néo Géo, qui raconte chaque semaine un classique de la Sono mondiale, revient sur le parcours d’un orchestre dont l’histoire est intimement liée au destin politique de son pays… C’est signé Jeanne Lacaille.
Et cet orchestre, devenu mythique, s’appelle Maravillas de Mali, « merveilles du Mali ». Tout commence en janvier 1964, quand dix jeunes musiciens recrutés aux quatre coins du Mali traversent l’océan Atlantique pour aller étudier la musique aux frais du régime cubain. Fidel Castro, en pleine Guerre Froide, distribuait alors des bourses d’études à tour de bras aux jeunes ressortissants des pays « amis » comme une énième provocation contre les États-Unis.
Et pour Modibo Keita, premier président-bâtisseur du Mali fraîchement indépendant, cette fleur diplomatique tombe à pic car il souhaite s’émanciper du modèle colonial français, en affirmant l’identité du pays par son rayonnement culturel. Voilà comment Boncana, Dramane, Aliou et leurs camarades embarquent pour l’aventure de leur vie : à eux dix ans d’études musicales au conservatoire de La Havane, à eux les nuits enfiévrées du Malecon. Assez vite, ces jeunes Africains s’inspirent d’ensembles en vogue comme l’Orquesta Aragon et Las Maravillas de Florida pour former Las Maravillas de Mali et presque aussitôt, ces nouveaux salseros deviennent de véritables stars à Cuba avec leurs guarachas en bambara, boléros aux accents mandingues et autres pachangas…
Ils triomphent, partent en tournée, il paraît même qu’ils firent danser le Che ! Mais en 1971, douche froide pour les fils prodigues de Modibo Keita renversé entre-temps par l’autocrate Moussa Traoré, qui les rappelle définitivement au pays alors qu’ils viennent d’enregistrer leur premier et unique album à Cuba. Terrible ironie : pendant que les rythmes cha cha cha de leur tube entêtant et canaille « RDV chez Fatimata » agite les hanches de toute l’Afrique de l’Ouest, qui s’inspirera longtemps de ce déferlement afro-cubain, Las Maravillas de Mali, eux, se retrouvent au chômage technique, blacklistés parce qu’ils représentent l’ancien régime. Les uns et les autres se séparent, certains continuent la musique comme Boncana Maïga avec Africando, d’autres pas… et l’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais il faut croire qu’il était écrit qu’on irait encore danser jusqu’à l’aube chez Fatimata, dame du dancing ou hôtesse de l’air qui ont peut-être existé…
En 1999, quand le producteur français Richard Minier a retrouvé la trace des musiciens maliens, cinq d’entre eux étaient encore vie, dont Boncana Maïga, seul rescapé aujourd’hui que l’on retrouve sur scène en chef d’orchestre de Las Maravillas de Mali recomposées, avec de jeunes musiciens cubains et le chanteur guinéen Mory Kanté ! Ensemble, ils ont enregistré l’an dernier une nouvelle version de l’indémodable « RDV chez Fatimata », un album et un documentaire sont attendus pour le printemps, avec un grand concert le 4 mai à la Philharmonie de Paris avec Orchestra Baobab et Chucho Valdès !
Néo Géo, c’est en podcast.
Visuel (c) pochette de Rendez-vous chez Fatimata de Maravillas de Mali et Mory Kanté