Luxe et volupté sous le 3ème Reich – avec « Le baron de Munchausen »
Aimez-vous les contes de fées ? Peut-être sans le savoir. Surtout si la fable est tellement inattendue, bizarre, loin de tout qu’elle finit par vous transporter… Sur un boulet de canon !
Le baron de Munchausen – qui a réellement existé – mais au service de la Russie, notamment contre les Turcs vers 1740, a laissé une légende qui n’en finit pas de circuler.
Etait-il amoureux de la grande Catherine de Russie ? Etait-il un héros, un prétentieux ? Ce mercenaire, Karl Friedrich Hieronymus, en a tant fait, et a tant voyagé, que son nom est devenu celui d’un syndrome de mythomanie.
Il finira ruiné mais, comme Cyrano, il a flirté avec la lune, comme Casanova ses conquêtes féminines sont nombreuses et comme Tartarin ses aventures sont héroïques.
Il portait beau et ses portraits en grande tenue d’officier existent. Le baron de CRAC en a raconté de belles et laissé son surnom «craques», comme synonyme de bluff et d’affabulation, de manie, de folie, à la postérité.
Mais qui n’aime pas James Bond ? De son vivant, R.E. Raspe publie ses récits en anglais, puis G.A. Burger les retraduit en allemand avec la poésie en plus, Théophile Gautier les adapte en français et Gustave Doré illustre ses frasques, suivi par tous les grands illustrateurs des siècles suivants. Qui dit mieux ?
Beaucoup ont vu le film de Terry Gilliam, le réalisateur des Monthy Python et autres Brazil, qui s’est transcendé en 3D pour ce héros si fantaisiste et rêveur, mais c’est de la première version, la grande, la magique dont je vous parle …
Du super grand spectacle : des paillettes, des costumes argentés, des femmes dorées, des étoiles diaprées, des ciels moirés, des décors fabuleux ou naturels, des turcs dignes du bourgeois gentilhomme.
Le grand canal à Venise fut bloqué et envahi pour une seule scène de 5 minutes, et tant d’autres décors démesurés et soyeux vont vous frapper. Vous allez croiser le comte de Cagliostro et Suleyman le magnifique. Vous aller voler dans les airs et dormir sur la lune.
Les acteurs ressemblent à des marionnettes de luxe, les costumes à des armures de poupée et l’espace à une espèce d’azur. Car tout ce film est comme irisé, brillant comme un diamant éclairé par un laser.
Je crois que les couleurs folles viennent de la pellicule et de la technique haut de gamme allemande, car je vais enfin vous le dire : cette superproduction date de 1943, à l’occasion des 25 ans de la UFA (« The » production allemande : Universum film), avec un budget illimité et un producteur mégalo: Hermann Goering ! (Maréchal en chef des armées du Reich.)
Mais calmez-vous, le but de cette superproduction était de faire oublier la guerre. Il fallait faire mieux que les Américains et Hollywood. Une poignée d’allemands ont tenté de faire rêver le monde en plein conflit mondial ! Les artistes du cinéma boostés par les puissances de l’axe !!!
Propagande ? Même pas. Le film est bucolique et planant. Schizophrénie plutôt, émanant d’un régime qui flingue au nom des lendemains qui chantent…
Comme quoi un grand spectacle, étrange, naïf et poétique, peut naître au cœur de la plus grande guerre mondiale. Les meilleurs sentiments sont évoqués au milieu des massacres de masse et des trahisons.
Je me demande même si ce film n’est pas une perle justement parce que les équipes, comme coupées du monde, mises sous cloche en pleine barbarie, ont voulu s’arracher au malheur, conjurer le sort et montrer l’amour et le sourire au cœur du désastre.
La guerre y est montrée comme une opérette bouffonne. Un peu de magie blanche face à la magie noire.
DVD ARTUS FILM : Les aventures fantastiques du baron de Munchhausen de Josef Von Baky – 1943.
(avec Suppléments , historique etc..)