Lil Buck redéfinit les frontières entre classique et hip hop avec son jookin.
En dehors du milieu des amateurs de danse, le public connait assez peu les noms des grands danseurs actuels. Rares sont ceux, en effet, qui parviennent à imposer leur grâce, leur talent et leurs réinterprétations chorégraphiques au grand public. Inutile de préciser que ce n’est pas faute d’aptitude remarquable.
Evidemment, les danseurs peuvent se faire remarquer en apparaissant dans un clip, mais ce sont surtout les plateformes vidéos qui ont le mérite d’avoir démocratisé la danse – donnant à tous la possibilité de partir à la recherche de ces jeunes talents. Parmi ces danseurs qui parviennent à percer, Lil Buck se distingue de tous les autres danseurs.
C’est son duo avec Yo-Yo Ma, le violoncelliste virtuose, qui l’a fait connaître. Derrière cette rencontre improbable mais d’une grâce qui s’impose pourtant comme une évidence, Spike Jonze le réalisateur qui s’est toujours amusé à faire cohabiter des genres inattendus (on se souvient de ses clips pour Fatboy Slim, Björk ou les Beastie Boys). Et cette confrontation entre les cordes du musicien et les pointes du danseur est quelque chose de tout à fait neuf.
Pour refaire l’histoire en version courte, Lil Buck, comme son nom permet à certains de le deviner, appartient à la grande et vague famille du hip hop. Du haut de ses 26 ans, il est considéré comme le prince héritier du Jookin’, un dérivé du Gangsta Walking, une danse qui intéresse beaucoup dans les années 90. Youtube pullule d’ailleurs de danseurs approximatifs de jookin.
Mais il faut attendre la fin des années 2000 pour que le jookin soit reconnu (en dehors des initiés) comme une véritable discipline à part, grâce à des danseurs comme Cino, Lil Black, Lil Daniel, Dr Rico … et Lil Buck (qui tire son nom du « buck jumping » – un autre nom du G-style qui consiste notamment à rythmer ses pas de danses à grands coups de « Get Buck » ).
Dans cette danse, tout se passe dans et par les pieds, les danseurs jouant sur des pointes, des rotations, des stop, qui permettent au danseur d’être désarticulé. Pour faire simple, c’est la transposition de la danse classique sur des bboys. D’ailleurs Lil Buck qui a d’abord étudié le hip hop s’est mis à la danse classique à 17 ans et l’a étudiée de façon assidue pendant deux ans. Et c’est grâce à cette réelle connaissance des deux univers qu’il parvient à renouveler le jookin.
D’ailleurs si cette rencontre entre Yo-Yo Ma et Lil Buck a impressionné, ce n’est pas simplement parce que Lil Buck adapte et se réapproprie des moves classiques, mais bien plutôt parce qu’il fait le chemin inverse, en important le jookin sur de la musique classique. Et c’est absolument fascinant.
Depuis, Lil Buck intéresse les plus grands. Il danse avec Benjamin Millepied, est mis en scène par Jacob Sutton ou l’artiste JR. Et chacune de ses vidéos montre à quel point Lil Buck évolue vite et bien – sans être déstabilisé par le succès qui le guette.
Dernièrement, il a sorti deux vidéos. L’une est un clip, la seconde est un parcours musical, audio et chorégraphié. Et si on les compare l’une à l’autre, on peut se faire une idée de l’étendue du talent de Lil Buck. Car dans le clip de Lizzo, Lil Buck est éblouissant mais d’une façon sans doute un peu trop clinquante. C’est aussi ça le hip hop. Dans l’autre, il exerce son art en pleine nature, discrètement mais de manière encore plus percutante.
Une fois que l’on commence à écumer les vidéos de Lil Buck, c’est un puits sans fond. On avance de chorégraphie en chorégraphie, risquant de se perdre. Alors ayant nous-mêmes bien saigné les vidéos de Buck, voici notre sélection de ses plus belles performances.