C’était déjà l’un des plus petits budgets de l’État.
Ce nouveau gouvernement est bien décidé à faire des économies. 60 milliards en cinq ans, pour être exacts. Pour passer sous la barre des 3% de déficit public, « le train de vie des ministères » devra être réduit, dixit Gerald Darmanin. Il est temps de se serrer la ceinture, et pas seulement sur les voitures avec chauffeur. Les budgets de chaque ministère sont réduits, et les coupes sont rudes. Celles de la Défense (- 850 millions d’euros sur un total de 4,5 milliards) a valu hier à Emmanuel Macron la démission du chef d’état-major des armées.
Le ministère de l’Économie voit son budget baisser de 268 millions d’euros, 850 pour la défense, 526 pour l’intérieur. Le moment est difficile pour tous ceux qui dépendent des subventions publiques, et les associations qui combattent pour les droits des femmes ne sont pas en reste. Dimanche dernier, le JDD annonçait une potentielle coupe de 25% dans le budget alloué à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Marlène Schiappa, secrétaire d’État dans ce domaine, s’empressait de dénoncer une « fake news ».
Peut-être serait-il intéressant de temps en temps de se renseigner à la source avant de relayer des #fakenews ? https://t.co/BMwHEUnpRu
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 16 juillet 2017
-25% pour l’égalité femmes-hommes
Pas si fake, pourtant, puisqu’un document paru mercredi soir confirme cette baisse de 25%, c’est-à-dire 7,5 millions d’euros. Selon Le Monde, ce document obtenu par les associations féministes émane des finances publique. Il expose les différentes coupes budgétaires qui devraient être réalisées sur chaque ministère.
7,5 millions, cela reste peu par rapport d’autres coupes budgétaires. Mais le crédit alloué aux inégalités femmes-hommes est déjà l’un des plus faibles. En 2016, selon un rapport du Haut Conseil à l’Égalité, il ne représentait que 0,006% du budget de l’État. L’organisme gouvernemental tirait d’ailleurs la sonnette d’alarme sur le peu de fonds accordés aux multiples actions menées sur le territoire, et portées, souvent à bout de bras par les associations. En 2016, le budget consacré au programme pour l’égalité des sexes était de 26,9 millions d’euros, en hausse de 6,7% par rapport à l’année précédente, comme l’indiquait Le Monde. Et déjà à l’époque, le Haut Conseil pour l’Égalité recommandait de doubler ces fonds. Messieurs Darmanin, Philippe et Macron ont dû rater le memo.
« La Grande cause Nationale » mais pas trop cher
On en attendait assez peu de la part d’Emmanuel Macron depuis qu’il a retourné la veste féministe arborée pendant sa campagne en sucrant le ministère des Droits des femmes dès son arrivée au pouvoir.
Disparus, les jours où ses discours enflammés célébraient féminisme et égalité. Le nouveau président nommait alors Marlène Schiappa Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Celle-ci reprenait les mots du candidat Macron et annonçait qu’elle ferait de l’égalité femmes-hommes une « Grande cause nationale », « comme la sécurité routière sous Jacques Chirac ». Sans vouloir mettre en doute une si belle motivation, ça a quand même l’air moyennement bien parti.
« Mettre les associations en concurrence »
Marlène Schiappa a d’ores et déjà déclaré que le gouvernement ne toucherait pas à la somme allouée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce qui, pour Osez le féminisme, revient à mettre en concurrence les autres associations pour déterminer lesquelles d’entres elles font un travail digne des subventions publiques. « Nous oeuvrons toutes pour l’égalité et prenons toutes en charge, avec déjà trop peu de moyens, des missions d’utilité publique », déclare l’association dans un communiqué. Plusieurs associations ont lancé une campagne pour interpeller Emmanuel Macron.
Certaines associations, notamment d’accompagnement et d’hébergement aux femmes victimes de violences rapportent déjà des suspensions de paiement. Le Secrétariat à l’égalité, contacté par Médiapart, affirme vérifier que ces crédits « restent bien dans nos priorités politiques ». Mediapart rapporte également une remise en cause des crédits alloués au parcours d‘aide à la sortie de la prostitution. Selon le cabinet de Marlène Schiappa, « il manque un décret du Conseil d’État » et les crédits budgétés seraient donc inutilisables. Toujours selon Médiapart, les cinq décrets nécessaires sont pourtant publiés.
Invisibilisation ?
« Ce sous-financement s’explique en partie par un tabou culturel entourant les rapports des femmes à l’argent, ainsi que par une inégale répartition du pouvoir politique et financier, biaisant les priorités et l’allocation des ressources », expliquait dans son rapport le HCE en 2016, rappelant que, paradoxalement, les violences faites aux femmes avaient un coût pour l’État. Celui-ci ne cesse d’augmenter, en réponse aux peu de moyens accordés pour les combattre.
De son côté, le cabinet de Marlène Schiappa insiste sur la dimension inter-ministérielle du travail pour l’égalité. « Par exemple, les interventions en milieu scolaire portant sur l’égalité hommes-femmes seront portées par le ministère de l’éducation. (…) La grande cause nationale, financée par l’Elysée et Matignon, apportera un budget supplémentaire pour le droit des femmes. Au lieu d’avoir un seul budget sous un seul ministère, nous avons une addition de budgets. »
Les mauvaises langues diront que cette manoeuvre ne laisse que peu de responsabilités et de visibilité à un secrétariat qui n’est déjà plus un ministère, et à une secrétaire déjà prise en grippe par une grande partie de l’opinion publique, dans la droite lignée de Najat Vallaud-Belkacem.
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