Le meilleur de la Nouvelle Internationale à Port-au-Prince
Quand on a pensé découvrir avec vous Haïti, on n’a pas hésité une seconde : enfin mieux comprendre ce pays dont on perçoit de France principalement sa misère et ses affres politiques. Alors qu’Haïti, c’est beaucoup plus. C’est une culture, une énergie hors du commun. Il paraît que si vous mettez les pieds une fois en Haîti, vous êtes comme envoûté et vous avez forcément envie d’y revenir. Il paraît, hein…
Haïti, c’est aussi une histoire forte, dont ils sont très fiers. Premier pays né d’une longue révolte d’esclaves, en 1804, se libérant du joug des colons français. Révolte orchestrée, au démarrage, par Toussaint Louverture. Des Français qui perdent alors leur colonie la plus riche (oui oui !) et qui acceptent l’indépendance d’Haïti sous réserve que le petit pays leur verse… 90 millions-or, une somme énorme estimée aujourd’hui à 17 milliards d’euros !
Haïti, c’est aussi le tiers d’une des plus grandes îles (et des plus belles) de la Caraïbe, l’île d’Hispaniola. Sur les deux tiers restants, la République Dominicaine.
Port-au-Prince de haut en bas
Arrivée dans la capitale, Port-au-Prince. Dans la rue, des milliers de passants qui vivent dehors, au gré de la météo plus ou moins capricieuse, le vrombissement des 4X4, l’odeur de la nourriture (des accras haïtiens, des bananes, du riz djon-djon et du kremas dès le petit déj, comme nous l’a raconté Jonas Mondert ) confectionnée par les marchandes ambulantes – principalement des femmes. Journaliste à la radio-télé Galaxie, Garnier nous a d’ailleurs écrit une lettre en forme d’hymne aux femmes haïtiennes – et à sa mère en particulier.
La ville est curieusement construite : comme nous l’a raconté Emile Omar, le programmateur musical de Nova, accessoirement amoureux de ce pays : en haut, il y a les villas des plus riches ; en bas, près du port (pollué et dont l’eau donne plus que moyennement envie de se baigner), les Haïtiens les plus pauvres. Plus des deux tiers de la population vivent avec moins de 2 dollars par jour – le seuil de pauvreté.
Ceci étant dit, n’allez pas croire que ceux que l’on qualifie de « riches » croulent sous les millions. Il s’agit plutôt d’une population d’expatriés – leur nombre a particulièrement grossi depuis le terrible séisme de 2010, le pays étant quadrillé par des centaines d’ONG plus ou moins pertinentes, comme nous l’a raconté dans une très belle lettre le photojournaliste Corentin Fohlen. Les « riches » eux-mêmes vivent souvent en colocation, pour payer moins cher leur loyer. Parce que, et ça-aussi, avec nos yeux d’occidentaux, cela peut paraître curieux mais oui, la vie est chère à Haïti. Dans les supermarchés, les prix sont au mieux équivalents à ceux pratiqués en France ! (Imaginez donc que dans les campagnes et les quartiers pauvres, personne ne franchit jamais les portes de ces supermarchés)
Autour d’Haïti, très peu d’arbres. Malheureusement, et c’est une catastrophe écologique, le pays est « déforesté » à … 98 % ! On vous explique tout ici.
Kanaval et bowdel !
Notre chance : parler d’Haïti la semaine du carnaval, qui s’est achevé mardi-gras ! Avec s’il vous plaît en guest, dans les titres sortis pour l’occas’, un certain Sweet Micky, morceau du… président sortant Michel Martelly, star de la chanson dans ses heures perdues (et qui règle ses comptes en chanson d’une manière ultra classe et pas du tout misogyne).
Transition parfaite vers l’autre raison qui nous a poussé à nous intéresser à Haïti cette semaine : le feuilleton très compliqué des dernières élections (actuellement, Haïti n’a plus de président…). Mais c’est comme ça : en Haïti, aucune règle n’est vraiment respectée. On ne finit pas sa maison pour ne pas payer d’impôts dessus, on ne paie pas l’électricité (15 % des Haïtiens seulement paient leur raccordement !), on ne respecte pas le code de la route, ni les lois anti-corruption. C’est simple : parlez de loi à un Haïtien et il explosera de rire !
Même pour les prénoms, aucune règle : on peut très bien s’appeler Certes, Lancienne, Fiste ou Lhérisson.
Ce pays qui fonctionne de manière totalement anarchique espère que son salut passera par l’éducation. Ou plutôt c’est ce qu’espère Josette Bruffaerts-Thomas, présidente de l’association Haïti Futur. Mais ce n’est pas simple : elle nous a raconté que 500 000 enfants étaient déscolarisés, et que les profs n’étaient pas formés. Chacun peut ouvrir à sa guise une école privée et nommer ses potes comme profs ! En Haïti, 90 % des écoles sont privées.
L’âme d’artiste d’Haïti
Mais c’est bien souvent du bordel qu’émerge la créativité. Et ça, Haïti n’en manque pas. C’est même son point fort, cette énergie folle.
De la musique, partout et tout le temps : kompa, kanaval, meringue, rara, rasin… Jamais les haïtiens ne cessent de chanter et danser (allez vous régaler avec notre playlist spécialement concoctée pour l’occas’). Et parmi les expat’ haïtiens célèbres on compte un bon nombre de superstars de la musique – Wyclef Jean des Fugees, par exemple.
Des cérémonies vaudou mystérieuses, car ce culte, venu d’Afrique de l’Ouest en même temps que les esclaves, garde toute sa force pour la population haïtienne.
De l’art – on en a discuté avec la plasticienne Elodie Barthélémy, qui avec son association Haïti Action Artistes vient en aide aux nombreux artistes haïtiens touchés par le séisme de 2010.
On a aussi reçu une superbe lettre de l’écrivain et poète haïtien René Depestre. Lui a 90 ans et fait partie d’une riche génération de poètes, d’écrivains, d’aventuriers qui pensent l’avenir de leur Haïti chérie et travaillent à des jours meilleurs. On vous laisse en profiter avec nous.
Bonus :
– Comment créer son propre vaudou ?
– Comment insulter la maman de votre interlocuteur en créole
– La playlist Nova d’Haïti, à écouter par ici
– La réalisatrice Anne Lescot se souvient d’Haïti
Photo d’ouverture : © FMSC Distribution Partner – Haiti