On décompte plus de 300 assassinats de journalistes russes depuis 1994.
C’était notamment le journal d’Anna Politkovskaïa, l’une des seules journalistes russes ayant enquêté sur les guerres en Tchétchénie, tuée par balles, chez elle, en 2006.
Le journal Novaïa Gazeta a toujours été en ligne de mire. Fondé en 1993, financé en partie par l’argent du Prix Nobel reçu par Mikhaïl Gorbatchev, il a été créé dans le but d’offrir à la Russie « un grand journal d’enquête sans orientation politique », comme le rappelait Franceinfo en 2015. La preuve d’une intervention russe planifiée en Crimée, le conflit tchétchène… Plus récemment, Novaïa Gazeta était le premier média à tirer la sonnette d’alarme sur les enlèvements, tortures et meurtres présumés d’homosexuels dans la petite république du Caucase (vidéo ci-dessous).
Malgré une mainmise du pouvoir et des oligarques russes sur les médias, le journal d’opposition continue de dénoncer la corruption, les exactions du pouvoir Russe et de ses proches. Seulement voilà, il paye cette indépendance de la vie de ses journalistes. Entre 2000 et 2015, six journalistes ou collaborateurs du journal ont été assassinés. Ils sont régulièrement menacés, et sous pression constante.
« On ne me laisse pas le choix »
C’est la raison pour laquelle le rédacteur en chef du journal, Dmitri Mouratov, vient de proposer d’armer ses journalistes d’armes non létales, selon des propos rapportés par Le Monde : « Je vais armer la rédaction. Je vais envoyer les journalistes en formation, signer un accord avec le ministère de l’intérieur et acheter des armes non létales, plus d’autres moyens de sécurité dont je ne veux pas parler ici. On ne me laisse pas le choix ». Le journaliste tenait ces propos au micro la radio russe « Écho », le 25 octobre dernier. Quelques jours plus tôt, l’une des journalistes de cette même radio, Tatiana Felguengauer, avait frôlé la mort après une attaque au couteau, dans les locaux de la station.
« Je vais envoyer les journalistes en formation, signer un accord avec le ministère de l’intérieur et acheter des armes non létales, plus d’autres moyens de sécurité dont je ne veux pas parler ici. »
Dmitri Mouratov souligne une absurde statistique : malgré les nombreux reportages de guerre menés par les membres de la rédaction, aucun n’est mort sur le terrain. Ils ont été tués en Russie « en temps de paix ». De plus, les enquêtes aboutissent rarement. Lorsque tel est le cas, la justice russe conclut souvent à l’oeuvre d’un « déséquilibré ».
Une presse russe de plus en plus muselée
Reporters sans frontières place la Russie au 148ème rang dans son classement de 180 pays sur la liberté de la presse. Le meurtre n’est pas l’unique moyen d’intimidation utilisé pour museler les journalistes. Les peines de prison, les procès en tous genres, les expulsions, sont aussi des recours fréquents. Pas plus tard qu’en août dernier, le journaliste d’investigation Alexandre Sokolov a été reconnu coupable d’avoir « poursuivi les activités d’une organisation extrémiste interdite » et condamné à trois ans et demi en colonie pénitentiaire, et ce après deux années entières de détention provisoire. Il était soupçonné de faire partie d’un mouvement politique prônant un référendum pour modifier la constitution russe. Sa dernière enquête, par le plus grand des hasards, mettait au jours des malversations financières liées à un chantier public.