Changement de décor, direction l’Égypte où un genre de rap, le mahraganat, qui emprunte à la musique traditionnelle égyptienne et à l’électronique, est menacé par les syndicats de musiciens.
Le mahraganat est un style de musique très populaire en Égypte, diffusé largement lors d’événements festifs, de célébrations et de mariages. “mahraganat” signifie d’ailleurs littéralement festival en arabe. Malgré sa diffusion dans de nombreux événements, ce genre de musique est considéré comme vulgaire, sale et indigne par une bonne partie de la population en raison des propos qui sont crus et qui traitent de sexualités, de la consommation excessive d’alcool et de drogues. Des thématiques qui reflètent pourtant la réalité de la jeunesse égyptienne.
L’une des personnes qui visiblement ne trouve pas ce style à son goût s’appelle Mustafa Kamel, un chanteur qui est devenu en octobre dernier le président du Syndicat égyptien des musiciens. Il a pris, dès sa prise de fonction, la décision de suspendre temporairement les permis délivrés aux artistes de mahraganat, afin étudier leur dossier et de préserver les valeurs artistiques égyptiennes. Les musiciens affiliés aux genres ne peuvent donc plus se produire dans des concerts et n’auront plus de permis de travailler car leur musique serait en opposition avec les valeurs artistiques égyptiennes.
Mais de quelles valeurs artistiques parle-t-on ? Mystère.
Ce n’est en tout cas pas précisé dans le communiqué, mais si l’on retrace les autres tentatives de passer le mahraganat sous silence, on peut deviner les raisons de cette censure. En 2020, le rappeur Hassan Chakouch avait été décrié par l’état égyptien après un concert dans lequel une foule de jeunes égyptiennes reprennaient en chœur les paroles de son morceau “Bint al-Giran”. Des textes qui se traduisent par “Je bois de l’alcool et je fume du haschich ». Forcément avec le fameux syndicat, qui avait à l’époque lancé un appel vers tous les lieux de diffusion de musique en leur demandant de ne plus passer de mahraganat, ça ne passe pas.
Une évolution de ce genre musical qu’on va suivre dans les prochaines semaines, mais aux dernières nouvelles, le syndicat aurait demandé aux artistes de se présenter tous les 3 mois devant eux pour qu’ils puissent étudier leurs projets musicaux avant de renouveler leur licence. Les interprètes devront aussi soumettre leurs textes au bureau de la censure du ministère de la Culture et prêter serment de ne pas « contrevenir à la morale égyptienne ».
Question liberté d’expression, on a connu mieux.
La meilleure façon de se renseigner sur le genre mahraganat, c’est d’écouter Faya, le podcast du global dancefloor qui vous emmène en Egypte, à la découverte de cette musique qui fait vibrer la jeunesse du pays.
En espérant qu’on laissera les figures du mahragant continuer à faire leur rap, quoi qu’il arrive de notre côté, on continuera d’en écouter et d’en diffuser.
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.