Et en lévitation !
Le Midi festival et son esprit audacieux et défricheur s’installent une nouvelle fois dans les jardins merveilleux de la villa Noaille à Hyères pour une 13e édition. La programmation mêle comme d’habitude valeurs sûres et découvertes : Vagabon cotoie Childhood, François & the Atlas Mountain, Fishback ou Autartik.
Le Midi Festval, c’est surtout un festival où l’on prend le temps d’aimer, où le sud n’a jamais autant ressemblé à la vision idyllique qu’en avait Ernest Hemingway, et qui déploie ses rythmes et ses langueurs avec vue sur Méditerranée.Du coup, on y va jamais qu’une fois, on y tourne et retourne. Fred Landini, directeur et programmateur du festival et Vincent Jolit, public assidu et écrivain, nous expliquent pourquoi.
Frédéric Landini, directeur & programmateur du festival
Qu’est-ce qui vous rend le plus curieux dans la programmation de cette année ?
Chaque année pour moi c’est la même aventure. J’imagine une histoire, un scénario que quelqu’un vivrait pendant les trois jours du festival, c’est donc toujours un tout, une histoire globale. Mais bien sûr il y a des curiosités, je suis toujours curieux du premier concert. D’autant plus qu’il y a des gens comme Alt-J ou Girls qui ont déjà ouvert le festival et décollé derrière. Vendredi, ce sera donc Malik Djoudi qui ouvrira le festival et c’est très important, ça donne l’émotion des trois jours qui suivent.
Malik Djoudi, sous la verrière de Radio Nova pour Plus Près De Toi !
Et je suis aussi très curieux de ce que fera Jae Tyler samedi soir à la villa Noaille. Il est totalement ovniesque, il ne figure dans aucun radar, et d’ailleurs, il n’a pas beaucoup d’actualité, mais je l’apprécie énormément artistiquement.
La curiosité Jae Tyler dans un clip qu’on aime
Est-ce que tu te souviens d’une galère qui s’est bien terminée ?
Quand on a acueilli le groupe Holy Shit, ils avaient été retenus par l’attentat déjoué à Londres en 2006 et quand ils sont arrivés, ils n’avaient plus rien, ni instruments, ni vêtements. Ils étaient à la merci de tout, on les a recueilli et s’est créée au final une amitié assez forte qui dure encore. Au départ, c’est une vrai galère qui nous en fait permis de tisser des liens encore intenses aujourd’hui.
En 2006 je me rappelle aussi du groupe First Nation, dont la soeur d’Avey Tare d’Animal Collective faisait partie. On avait été les chercher à l’aéroport de Nice et on ne les a jamais trouvé. On pensait qu’on ne les verrait jamais. 10 heures plus tard, elles arrivaient à la Villa de Noaille, elles étaient venues en stop de Nice parce qu’elles trouvaient ça hallucinant qu’on vienne les chercher à l’aéroport.
Est-ce qu’il y a eu de belles rencontres grâce au Midi Festival ?
En 2008, quand Girls vient jouer chez nous, le groupe mené par Christopher Owens, ils n’avaient que deux titres. Pendant le festival est née une incroyable idylle avec une bénévole du festival, qui a accouché…d’un album quatre ans plus tard, qui porte le nom de la jeune fille : Lysandre.
Une fois Christopher Owens a chanté Lysandre dans une baignoire pour Pitchfork.
Parfois quand je suis un peu dans le dur, quand je suis un peu frustré, que je compare mon métier au métier de menuisier, d’ébéniste qui ont la joie de voir quelque chose qu’il ont construit à la fin de la journée, je repense à ce que m’a dit quelqu’un : « oui mais toi, tu es un fabricant de souvenirs« . Et c’est vrai que vu comme ça, c’est un métier cool.
Est-ce que tu as une image très forte que tu gardes du festival ?
Oui, ça vient d’une photo : en 2007 à la fin de son concert, Animal Collective s’assoit sur scène en tailleur en cercle pour discuter. C’était un moment assez dément, ils sont sous ce grand signe avec écrit Midi Festival dessus. Animal Collective, c’est LE groupe pour lequel j’ai créé ce festival…cette photo forcément, elle m’a marqué.
Est-ce qu’il y a des groupes que tu as découvert en créant la programmation du festival ?
À part quelques gens qu’on suit depuis longtemps comme Frankie Cosmos ou François & The Atlas Mountain, oui, je les ai quasiment tous découvert cette année : Autarik, Malik Djoudi, Vagabon … je les ai tous écoutés soit en programmant le festival, soit en préparant mon émission de radio (Super Monday sur Radio Active Toulon). En tout cas j’essaye de m’interroger tout le temps sur ce que je fais, de rester candide, et pour les nuits, qui sont plus électroniques, il y a Malcolm et L’amateur qui sont deux djs, et c’est important pour moi qu’ils aient un peu une vérité sur les nuits.
La poéte New-Yorkaise Vagabon !
Quelle est ta plus grande claque musicale du Midi ?
(il répond immédiatement) C’était en 2009, une année un peu cahin caha, en tant que programmateur, je me disais : « bon, c’est bien, il y a eu des choses, les gens sont contents mais … je reste un peu sur ma faim ». Arrive le dernier concert et c’est un groupe que je voulais faire depuis super longtemps : le groupe new-yorkais Skeletons. Ils sont arrivés en premier, la veille du festival, alors qu’ils jouaient en dernier. Ils ont vu tous les groupes, ils sont montés en énergie pendant quatre jours. Avant de monter sur scène, ils étaient déjà sur scène, comme possédés.
Et là ils ont joué, et le dimanche soir, c’est toujours un public moins important que les autres jours, assez local, pas forcément très branchés musique. Ils ont fait un concert … j’ai jamais vu ça de ma vie, comme des fakirs : ils ont mis tout le monde à un mètre du sol. Un truc de dingue, de dingue. Y a même un moment où le guitariste a mangé une cigale (qu’il a recraché ensuite), il était en transe. Nous, on ne fait jamais de rappel, mais quand ils sont sortis de scène, j’ai dit au chanteur : « Ah non tu pars pas, il faut faire redescendre les gens maintenant. » Du coup il y est retourné avec sa guitare sèche. Je les ai recroisé quelques fois, et pour eux aussi, c’était un moment complètement dément. Hors musique. Ce soir-là je ne sais pas ce qu’on a vu.
Blogueurs, journaliste, spectateur, tout le monde est d’accord : Skeletons a provoqué une transe collective en 2009
Vincent Jolit, romancier & festivalier, écrit bénévolement les descriptions des artistes
Comment est-ce que vous décrireriez le festival à quelqu’un qui ne le connait pas ?
Je leur dirai que s’ils sont un peu curieux, c’est l’endroit idéal. En allant années après années au Midi, je me suis rendu compte qu’entre ceux que je croyais être underground et ceux qui l’étaient vraiment, il y a avait une marge très large à explorer, à découvrir.
S’ils aiment cette musique, c’est vraiment l’occasion de découvrir des groupes comme Requin Chagrin par exemple, qui vont faire bouger les lignes dans les années qui viennent, proposer des choses nouvelles, voire qui changeront la donne musicale.
Ecoutez les Requins Chagrins ici ->
Justement, quels sont les groupes que tu as découvert grâce au MiDi et que tu continues à suivre ?
C’est justement à ça que tient mon attachement au MiDi, à tous ces groupes que j’ai découvert sur sa scène et dont je suis maintenant assidument le parcours. Alt J par exemple, programmé en 2011, ou Aline en 2012
ALT-J – Midi Festival 2011 – Hyères – french riviera from Mise en Boîte Production on Vimeo.
Quelle est la plus grande claque que tu as prise au festival ?
C’est difficile de choisir mais je crois que c’était en 2008. C’était vraiment une année géniale, peut-être même ma préférée, il y avait Girls, Waf, Yacht et puis James Chance & the Contortions, Zombie Zombie, So So Modern, Le concert de So So Modern était à la fin, et c’était fantastique.
Pendant tout le festival, on avait l’impression qu’avec chaque groupe, c’était de plus en plus fort, de plus en plus entrainant, que le public lui était de plus en plus chaud. Et pendant le concert de So So Modern, ça donnait l’impression d’une grande messe dans la pinède de la villa Noaille. Un vrai moment de communion et de joie. Presque étrange. Je ne sais pas ce qu’ils font maintenant, mais c’était un vrai grand moment de Live.
So So Moderne, quand ce n’est pas sous la Pinède, ça donne ça :
Tu as du écouter tous les artistes pour écrire leur description, qu’est-ce que tu es super curieux de voir en Live ?
Drugdealer vient d’annuler sa venue et il est remplacé au pied levé par Lomepal, du coup j’ai écouté son album ce matin pour écrire sa bio, et je me le suis réécouté dans la foulée. Je suis très enthousiaste. Ça fait quelques années que je me suis remis à écouter du rap, et la scène française ne m’excitait pas beaucoup même s’il y a beaucoup de choses intéressantes, je trouvais tout un peu standardisé. Là vraiment, ça me fait penser à Tyler the Creator ou Asap Rocky, j’ai vraiment hâte de le voir.
Il y a aussi Jae Tyler, j’ai beaucoup aimé ce que j’ai entendu, ça me semble assez inédit.
Et puis Petit Fantôme, dont j’ai écouté des bouts de l’album à sortir qui m’ont bluffé. Il y a du Blur et du The Pavement là-dedans. Il y a une vraie fraîcheur dans les paroles comme dans la musique, il fait partie de ce retour en grâce de la pop française, mais je trouve qu’il y a quelque chose de différent chez lui. Ça y est, on sait chanter en français sur de la musique anglo-saxonne.
Le Soundcloud de Casper
Le MIDI Festival ouvre ses portes le 21 juillet jusqu’au 23 juillet. Plus de renseignements sur l’événement et la page Facebook ainsi que sur le site.