Chaque jeudi dans BAM BAM, le sample de la semaine.
Cette semaine, notre sample est un hommage à un sacré musicien qui nous a quittés. Cet homme s’appelait Dick Dale, on a dit de lui qu’il était le king du surf rock ; un musicien qui, avec sa Fender Stratocaster et avant les Beach Boys, a inventé la bande-son de la Californie des années 60. Il y a un titre de lui que tout le monde connaît.
Oui, c’est lui ce morceau qui – on va se l’avouer – est connu de tous parce que figurant dans la BO de Pulp Fiction ; Quentin Tarantino ayant toujours eu bon goût en matière de musique. Peut-être que les plus jeunes qui nous écoutent ont découvert ce titre quand les Black Eyed Peas l’ont pillé pour leur « Pump It ».
Ce morceau-là, que Dick Dale enregistre en 1963, n’est pas une création mais une reprise. Reprise au sens où Dick Dale s’est inspiré d’un tout autre patrimoine musical. Il suffit de se pencher sur le nom du morceau pour le savoir. « Miserlou », ou « Misirlou », ce n’est pas de l’anglais mais du grec. Plutôt, c’est une prononciation à la grecque d’un terme turc qui signifie « égyptienne ». Allez hop on part en voyage. A la base, ce titre ne provient pas des plages californiennes mais bien des côtes grecques. C’est une vraie petite enquête que de remonter l’histoire de ce titre. Le copyright est déposé au nom d’un certain Nikos Roubanis en 1934. Toutefois, ce n’est pas lui le premier à l’enregistrer. Le morceau a d’abord été enregistré par un orchestre de rebétiko en 1927. S’ils sont les premiers à l’enregistrer, ils ne sont pourtant pas les premiers à le jouer… C’est vrai, on peut s’y perdre un peu dans cette histoire. Finalement, on ne sait pas vraiment qui a inventé ce Misirlou, comme souvent avec des chants traditionnels. Ces montées et descentes mélodiques sont assez communes dans le bassin méditerranéen et en Orient. On en trouve plein d’enregistrements provenant des années 30, 40, 50. Voilà un des premiers enregistrements de ce Misirlou typique.
On peut se demander comment, de Grèce, ce titre atterrit-il en Californie. Ce voyage se fait, semble-t-il, à la fin des années 20 grâce un homme, Tetos Demetriades, installé à New York. Après lui, d’autres musiciens greco américains reprendront ces montées/descentes des plus efficaces et le Misirlou est sera alors si populaire qu’il en devient même un style de danse du ventre. Alors, puisqu’on n’est pas à une complexité près, sachez que le premier américain à reprendre et chanter dans une autre langue le Misirlou n’est pas Dick Dale, non, c’est un certain Mitchell Ayres en 1941. Dario Moreno en France en a même fait une version francophone en 1953. Il faut avouer toutefois que la version la plus populaire du morceau est bien celle de Dick Dale. Elle a cartonné en 1962 et cartonné 100 fois plus à la sortie de Pulp Fiction dans les années 90. Voilà comment un morceau fait sa petite migration, du rebétiko grec au surf rock californien. En fouillant l’histoire de ce titre, nous sommes tombés sur une autre version, ni américaine ni grecque, mais une reprise de Rachid Taha qui se nomme Jungle Fiction. Vous allez voir, c’est à la frontière de la jungle, du chaabi, du gnaou et de la surf music.
BAM BAM, le Bureau des Affaires Musicales, une émission animée par Sophie Marchand et Jean Morel, et réalisée par Malo Williams. Du lundi au vendredi, 18h00-19h30.
Visuel : (c) cover du single Misirlou de Dick Dale