Travail et prédation…
Pour réaliser qui fut David Bowie (il est temps), une seule solution : faire comme lui, travailler avec acharnement.
La réédition complétée de la biographie maniaque de Mathieu Thibault chez Le Mot et Le Reste : David Bowie l’avant–garde Pop, somme de 450 pages, illustrée par les pochettes d’albums en noir et blanc, et comprenant la description minutieuse de très nombreux morceaux, laisse sans voix !
Les chapitres, époques, disques et collaborations finissent par dégager le sens de cette vie anormale, hyperactive, protégée par une bonne étoile.
Le jeune Davy Jones ayant ramé 5 ans, entre 1965 et 1970 , avec des groupes aux noms ridicules (King Bees, The Buzz, etc.), alors que tous les groupes anglais couraient la planète sous les hurlements des fans, on peut imaginer ce qu’il avait accumulé en lui de désir de revanche.
Mais dès qu’il eut accroché son vaisseau à celui de MARC BOLAN (T. Rex), et à la galaxie GLAMOUR ROCK, le «Ground Control » fut largué ! L’homme qui venait d’ailleurs allait commencer son épopée spatiale.
Car c’est cela qui frappe sans cesse chez cet Anglais moyen : la volonté sans faille d’adhérer à toutes les modes, de s’adjoindre les meilleurs collaborateurs à chaque étape, de réussir à s’approprier par sa voix et ses ornements musicaux des genres très différents et de surfer ainsi pendant 50 ans !
Tous ceux qui venaient jouer avec lui devaient céder TOUS les droits de trouvailles, jingles, mélodies et autres arrangement au maitre ! (ce qui en fit tiquer plus d’un, dont Nile Rodgers). Et même lorsque David vint aider chevaleresquement IGGY, il en tira profit aussi ! (sur l’échange et sur « China Girl » entre autres…)
Ces détails afin que chacun comprenne bien de qui il s’agit : on ne revoit que Ziggy Stardust ou le Bowie crooner blond platine d’Absolute Beginners en tant qu’image, mais il fut mime, femme, vampire, chien, martien, junkie, cadavre et même ressuscité dans son dernier « Lazare » !
Parallèlement, la véritable avalanche musicale des années 60 et 70, allaient lui donner du blé à moudre puisque Folk, Rock, Blues, Psyche, Glam, Prog, Punk, Industriel, Jazz, Reggae, puis carrément Soul, Dance, Techno, Jungle, World, Drum and Bass… Vraiment chaque étape de ce déferlement musical, boosté par la technique et les festivals mondiaux, devait finir happée par ce GARGANTUA de désirs.
Ce livre détaille sur la musique même, les parties au SAXO de Bowie (son premier Instrument !), les guitares, les couches successives, les apports : Tony Visconti, Carlos Alomar, Mick Ronson et tant d’autres talents qu’il est allé hercher chez Iggy & The Stooges, chez Lou Reed, chez Sly (and the Family Stone) ou Motown !
Et à chaque fois la rigueur, le travail, l’exigence, les couches d’arrangements, c’est tuant de voir ce mec ne rien lâcher : musique minimale, Noise, synthétique, puis Retour aux Riffs, aux cris presque Hard.
Une grande partie de la fin de carrière de Bowie est mal connue. voilà une façon de savoir ce que cette tête chercheuse a trouvé à manger pendant la gueule de bois de ce début du XXIe siècle…
David Bowie ? L’avant-garde Pop, Mathieu Thibault. Éditions Le Mot et Le Reste, 250 pages. 27 Euros. Réédition complétée.
Visuels : (c) travail inspiré de Robert Longo pour la pochette de Lodger, et Bowie en compagnie d’Iggy