La chronique de Jean Rouzaud
C’est sous ce titre sibyllin que les éditions Le Mot et Le Reste publient en version poche le texte planant de Mary Hunter Austin (1886-1934), sorte de pionnière de l’ouest, à plusieurs titres…
J’ai envie de dire Mary Austin, « folle du désert », tant cette forte femme au physique de cow-boy girl, avec stetson et regard altier, entre dans cette littérature américaine appelée « Nature Writing », par la grande porte, comme on pousse les portes du saloon*.
À la suite de Henri David Thoreau, John Muir, mais j’y mets aussi Walt Whitman, ou même Jack London et bien d’autres, elle rejoint ces grands inspirés américains, anti-sociaux et révoltés, ne croyant qu’à la rédemption par les grands espaces…
Ce livre est un émerveillement de notes, petites histoires, descriptions de ce fameux désert de l’Ouest américain ou vivaient les tribus lointaines du sud-ouest, Utes et Shoshones.
Death Valley, survie et magie
Du côté de la « Death Valley » ( vallée de la mort, située sous le niveau de la mer, un des endroits les plus chauds du monde) et des « Black Hills », ces collines noires, territoire sacré des Indiens.
À priori, il n’y a rien et on y crève de faim et de soif, mais les saisons font apparaître fleurettes et couleurs de l’arc en ciel, le sable devient bleu ou mauve, safran ou vert, car un givre, une rosée viennent apporter quelques gouttes, ou un filet souterrain passe…
Des plantes magiques comme le yucca, le mesquite (sorte de caroubier), et bien d’autres miracles de capteurs d’eau. Mary Austin nous explique la survie de ces titans du désert, mais aussi d’une quantité d’animaux héroïques et discrets, dont le coyote.
Car pour elle, ce désert peut devenir un paradis avec ces « rues », ces « allées » (passages saisonniers de rivières), ces parcs, sortes d’espaces ou de mini cours d’eau finissent..
Elle nous révèle des astuces de survie, ou pour se nourrir. Seuls certains animaux et les Indiens silencieux et industrieux ont la patience, le temps et la science pour tirer des graminées de la farine, des cactus à déguster
(le fameux « Nopal » des Indiens, notre figuier de barbarie)
Ainsi va son récit, incroyable, décrivant un autre monde, parfois ingrat et fantomatique, mais si pur, si doux et paradisiaque pour qui le connaît.
La beauté cachée du désert
Mélange de souffrance et d’indicible beauté, il suffit de voir quelques photos anciennes des habitants (surtout Shoshones), dont l’élégance et le raffinement nous laissent perplexes, pour comprendre qu’il y avait là
un espace préservé, puisque personne ne voulait y aller…
Il faut avant tout savoir attendre, écouter la terre, creuser, ou suivre un orage, pour retrouver de l’abondance : mouflons, lièvres, wapitis, lézards, oiseaux divers, cerfs, ours, cougars, lynx…
Les photos stupéfiantes de cette région en ont fait un lieu de pèlerinage de tourisme supérieur avec quelques rares auberges pour courageux.
C’est un des livres fondateurs de cette littérature américaine des grands espaces. Lumineux, écologique, zen et inspiré, chacun peut y puiser une leçon de vie, une mystique douce, au ras d’un sol magique et changeant comme un mirage.
AUSTIN Mary, Le pays des petites pluies, Éditions Le Mot et Le Reste, 192 pages, 8,90€
* Mary Austin, en plus de ses nombreux livres, s’engagea également pour les causes féministes et la défense des droits des Amérindiens.
Visuels :
en Une © The Braun Research Library Collection, Autry National Center, Los Angeles; Photo #31989