A l’occasion des 100 ans de l’école des beaux arts de Hanoï, le musée Cernuschi (Paris) a rassemblé 150 oeuvres pour la première grande retrospective de trois pionniers de l’art moderne vietnamien : Lê Phô, Mai-Thu et Vu Cao Dam.
Connaissez-vous le Ban mí ? Ce sandwich vietnamien, composé de légumes fermentés coincés dans une baguette. Cette spécialité, héritée de la présence coloniale française au Vietnam (1887 – 1954), incarne une alliance des deux cultures qui donne quelque chose de vraiment délicieux.
L’exposition « Le Pho, Mai-Thu, Vu Cao dam, pionniers de l’art moderne vietnamien en France » est un peu comme un Ban Mí. L’exposition, conçue en étroite collaboration avec les familles des artistes, met en lumière le parcours de Lê Phô, Mai-Thu et Vu Cao Dam, trois amis unis par leur amour de leur pays natal et leur intérêt commun pour la France.
L’art moderne vietnamien : fruit de la colonisation française
L’École des beaux-arts de Hanoï, fondée en 1925 grâce à l’initiative de l’artiste vietnamien Nam Son et du peintre français Victor Tardieu, marque le début de la formation des artistes vietnamiens aux techniques occidentales. Cette école, soutenue par l’administration coloniale qui y voit un moyen de propagande de sa mission « civilisatrice », intègre à la fois les codes de l’art européen et l’héritage asiatique, contribuant à la naissance de l’art moderne vietnamien.
Dans les années 1930, les expositions coloniales et universelles offrent aux artistes vietnamiens une plateforme pour présenter leurs œuvres. Ces événements leur permettent de gagner en visibilité et de vendre leurs créations, bien que celles-ci restent en périphérie du marché, confinant les artistes à des périodes de précarité.
Un mélange des influences qui donne un art unique en son genre
À travers leurs œuvres, Lê Phô, Mai-Thu et Vu Cao Dam témoignent de leur académisme et des fortes influences que les peintres français ont exercés sur leur art tout au long du XXème siècle.
Mais ils s’inspirent également du Roman de Kiĕu, chef-d’œuvre de la littérature vietnamienne, en illustrant des scènes emblématiques du poème, comme la rencontre des sœurs Kiĕu et Vân avec le jeune noble Kim. En mêlant modernité formelle et héritage classique, les trois artistes préservent leur identité vietnamienne, célébrant à la fois la vertu confucéenne et l’ode à l’amour et à la beauté.
Une exposition tant historique qu’artistique
Cette exposition offre un regard approfondi sur les grandes étapes des vies et carrières des trois artistes : Lê Phô, Mai-Thu et Vu Cao Dam. Elle explore comment leurs choix artistiques ont été influencés par des événements historiques majeurs, tels que le contexte colonial, l’émancipation nationale du Vietnam, et les trois guerres qui ont secoué le pays entre 1939 et 1975.
Cette analyse permet de mieux comprendre l’évolution de leur style et nous offre un parcours autant historique que artistique.
texte par Anouk Ait Ouadda photos par Marion Arcens