Les Louanges, SUUNS, Geoffroy, Pierre Kwenders, Hubert Lenoir, Bran Van 3000, le meilleur de la scène Québécoise pour cette 13ème édition du Festif.
13 ans déjà que la très belle ville de Baie Saint Paul se transforme pour accueillir l’un des meilleurs festivals Québécois, Le Festif. Et quand on dit se transforme, c’est peu dire. D’abord parce qu’on passe d’environ 7300 habitants à près de 40 000 festivaliers sur 4 jours. Et ensuite parce que c’est toute la ville qui vit au rythme des concerts, des spectacles de rue et des fêtes, DJ sets et shows imprévisibles qui apparaissent partout. 17 scènes, de la plus intime à la plus champêtre en passant par la flottante et celle à côté des moutons à 4h30 du matin, petit récap’.
L’arrivée dans le comté de Charlevoix (avec un bon jetlag) se fait sous une pluie torrentielle. Mais rien n’entame la bonne humeur et la volonté de faire le “party” de mes deux covoitureuses. A peine le temps d’installer leur tente dans un jardin privé du “camping citoyen” (quand les habitants prêtent leur allées, jardins, place de stationnement, c’est classe !), le tout entre deux averses, et c’est parti pour la première soirée avec Pierre Kwenders qui nous fait danser dans 5 langues, en lingala, français, anglais, tshiluba et kikongo. L’artiste d’origine Congolaise a renoué avec sa vie d’avant la musique avec son plus récent album José Louis And The Paradox Of Love, José Louis Modabi étant son vrai nom, et nous en a donné un bel aperçu en live.
En suivant c’est Bran Van 3000 qui prend la scène, le collectif fou et indescriptible Montréalais qui fête son 25ème anniversaire, avec un show électrique. Puis mes chouchous du Nouveau-Brunswick Les Hôtesses d’Hilaire, les français du soir Polo et Pan, les hallucinants Suuns et puis un show qui a pris aux tripes : The Halluci Nation, nouveau projet du membre de la Première Nation du lac Nipissing «2oolman» (Tim Hill) et du Cayuga «Bear Witness» (Ehren Thomas) de A Tribe Called Red. Ils nous ont déjà fait découvrir sur disque l’Electric Pow Wow ou de Powwow-step, le hip-hop, le reggae, le moombahton et le dubstep avec des éléments de musique des Premières Nations, en particulier dans les chants et les percussions. Sur scène, ils l’amènent encore plus loin.
Le vendredi, il est temps de découvrir tous les spots de la ville que je n’ai pas pu voir la veille et c’est bon. Pas seulement parce que tous les êtres que je croise sont chills, souriants, avenants et accueillants (la réputation du Québec n’est plus à faire là-dessus) ; mais aussi parce que l’ambiance de fête est partout, sous de nombreuses formes, après tout le festival s’appelle Le Festif et c’est bien de ça dont il s’agit.
Alors très vite, l’idée c’est de parcourir la ville pour découvrir beaucoup d’artistes Canadiens et Québécois plus ou moins connus en France que les programmateurs nous proposent. La belle country augmentée de Pearl Charles, la house captivante de Ouri ou encore le virage pop et francophone de Robert Robert.
Et puis aussi pas mal d’artistes qui tournent déjà sur Nova. Les Louanges, ou Vincent Roberge pour les intimes, qui en plus de son show puissant sous le chapiteau, a offert un de ces fameux concerts imprévisibles au bord du St Laurent, tout au bout du quai en fait, tout seul au piano, magnifique.
Là c’est une scène improvisée donc, mais il y a aussi la scène flottante. Et il vaut mieux arriver un peu tôt pour pouvoir se réserver une « tripe » et flotter devant le concert. Le premier à tester la scène flottante cette année c’est le doux Geoffroy qui nous fait bien planer avec sa pop électro chaude, presque autant que sa voix. Note : on a aimé le voir sauter par surprise dans l’eau pendant un titre. Il faisait chaud en esti.
Et puis celui que tout le monde attendait, Hubert Lenoir qui revenait pour la troisième fois au Festif et qui a tout donné, comme toujours, dans un show beaucoup plus punk qu’il n’y paraît sur disque, des moments presque métal avant de repasser au funk, entre deux slams dans le public, c’était malade comme on dit ici.
A la sortie d’une entrevue sur le plateau radio des collègues d’Ici Musique de Radio Canada, Hubert Lenoir me disait que “les concerts en France c’était vraiment quelque chose de significatif pour moi. De voir les gens qui chantent, comme, toutes les paroles, c’est malade.”
“J’ai quand même une relation particulière avec la France parce que je chante et parle en français, c’est pas comme n’importe quel pays dans le monde et de savoir que t’es accepté là-bas et que tu commences à être aimé, c’est great !”
Mais le retour à la maison ça fait du bien aussi et les festivals ici n’ont pas à rougir selon lui.
“Je trouve que les festivals au Québec sont assez uniques. Le Festif, y’a comme un feeling plus familial, dans le bon sens du terme, plus convivial, plus chill que bien d’autres. C’est la troisième fois que j’y joue et c’est toujours aussi cool.”
Le samedi arrive vite et la journée ne se déroule pas comme prévu. Beaucoup d’orages (très) violents s’abattent un peu partout au sud du Québec et on n’y échappe pas. Mais toujours pas quoi décourager le monde qui se masse devant les Hay Babies ou Mononc’ Serge (institution au Québec). Du monde aussi devant les suisses géniaux play listés sur cette antenne de L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamps qui ont été programmés sur deux soirs et qui nous ont fait rêvé avec leur style dada, chaînon manquant entre le post rock et l’afro-beat parfait pour la scène quelque part. Et ce malgré le les trombes d’eau et les poubelles qui ont volé (j’vous jure) juste avant leur show.
D’ailleurs la tête pensante de l’orchestre, Vincent Bertholet, croisé devant la scène quelques heure avant le live, avait l’air fatigué mais très content.
“ C’est la première fois qu’on fait un soundcheck si tôt, à 8h30. Il est tant d’aller faire la sieste.” Tu m’étonnes.
Pour cette avant dernière date de leur tournée au Québec, l’accueil et le public Québécois leur donne envie de revenir. “Y’a du monde, y’a une ambiance, c’est super. C’était plein avant même qu’on commence, les gens étaient vraiment curieux de nous découvrir. Peut-être que les gens étaient là pas complètement par hasard mais c’était surprenant. Il paraît que l’équipe du festival est connue pour leurs découvertes, c’est super.”
Gros coup de cœur aussi pour Emma-Jean Thackray. Cette chef d’orchestre, chanteuse, trompettiste, productrice anglaise nous a transporté dans le monde merveilleux du meilleur jazz fusion londonien de son temps.
Et arrive la dernière journée qui voit elle aussi ses hectolitres de flotte encore tenter de chasser le public, en vain. La matinée, lendemain de brosse (de cuite si vous préférez) commence bien avec Laura Niquay, autrice-compositrice-interprète attikamek (qui font partie des onze nations autochtones du Québec) et sa pop teintée de musique traditionnelle et de rock.
Puis King Hannah et sa chanteuse Hannah Merrick, timide, qui n’ose dire un mot avant le quatrième morceau. Impeccable autant sur scène que sur disque, les quatre anglais ont captivé le public de la scène la plus verdoyante et la plus boisée du festival, on serait bien resté une heure de plus avec leur rock mi shoe-gaze, mi-balade mélancolique.
Enfin cette 13ème édition se termine avec les incontournables de la scène rap québécoise LOUD et Koriass qui on finit en beauté, sous la pluie. Et la jauge quasi pleine de la scène principale montre finalement bien ce qu’aura été le Festif 2022 : un festival complet, riche de diversités, gros et petit en même temps et surtout joyeux.
Le Festif c’est à l’été 2009 qu’il sort de la tête de son directeur. Pendant une soirée bien arrosée entre amis, Clément Turgeon, directeur général et artistique du Festif, lance à la blague que ce qu’il manque cruellement à Baie-St-Paul : un événement de grande envergure. Un événement à grand déploiement qui ferait rayonner le village, qui en animerait les rues et rassemblerait ses habitants autour d’un party digne de ce nom. Pari réussit !
“Le Festif c’est avant tout un événement de communauté qui inclus toute la ville, toute la population de Baie Saint Paul”, me dit Clément. “Le but c’est de rester un événement de proximité le plus patit possible. Là on est à la croisée des chemins, on pourrait aller plus gros ou rester comme ça, on choisit de rester comme ça, à taille plus humaine, c’est ça la signature du Festif. Même si on gagne plus de public année après année. Le défis c’est de trouver le juste milieu dans tout ça. Et puis la population est toujours derrière nous, ça fait du bien.”
Un long week-end surprenant, fou, prenant et reposant à la fois.
Vive le Québec Festif !