Osvaldo Peredo, 83 ans, légende du tango underground de Buenos Aires, donnera bientôt son premier concert à Paris. Un rêve de gosse. Portrait
Les yeux turquoise d’Osvaldo scintillent à l’évocation de la ville Lumière. L’homme a déjà eu mille vies, mais à 83 ans, il va enfin accomplir un rêve d’enfant. Il chantera à Paris pour la première fois, à l’instar de son idole Carlos Gardel, qui acquit ses lettres de noblesse dans la capitale française.
A Buenos Aires, dans le quartier d’Almagro, berceau du tango qui a repris ses droits ces dernières années dans les boliches (bars), Osvaldo Peredo est un demi-dieu adulé par la nouvelle génération. Peu d’entre eux connaissent son passé de pépite du football gaucho, parti s’exiler en Colombie au début des années cinquante pour tenter de se faire une place au soleil, après avoir porté les couleurs de la réserve de San Lorenzo en Argentine.
Un passé de pépite du football gaucho
Qui se doute que derrière cette « gueule » se cache un ancien serveur de café ayant écumé les bars de la côte vénézuélienne, revenu sur ses terres y collectionner les métiers, de chauffeur de taxi à maçon, comme tout bon Argentin qui se respecte (et ressuscite à chaque nouvelle crise) ?
Né en plein âge d’or du tango, le genre lui colle à la peau. Osvaldo n’a jamais cessé de chanter et c’est d’ailleurs ainsi qu’il se reconvertit à Medellin – ville où périt Gardel dans un accident d’avion – lorsque son avenir de footballeur se dérobe.
Couche-tard invétéré, il traîne désormais ses savates de « chanteur de cantine » à longueur de semaine, de l’Almagro Tango Club à Lo de Roberto, pour le plus grand bonheur des amoureux du « dos por cuatro ». Tout de noir vêtu, ses derniers cheveux blancs bien peignés, il investit les petites estrades qui font office de scène dans ces établissements nocturnes.
Je m’en vais voir si je peux émouvoir les Parisiens
A peine s’est-il présenté qu’il entame sa sérénade empreinte de nostalgie. Les bras se déploient, le torse se bombe, les mains se chevauchent, avec la sincérité qui le caractérise. « Gardel chantait avant tout pour lui, comme s’il était en train de se raser devant son miroir. Il ne faut pas vouloir en faire trop, mais simplement chercher à raconter une histoire », avise-t-il.
C’est un puissant soupir qui s’échappe du bout de ses lèvres, un murmure grave qui frappe tout droit le cœur de celui qui se fige pour l’écouter religieusement. « Le tango est une photographie couleur de la société argentine. Je m’en vais voir si je peux émouvoir les Parisiens. Toucher mon auditoire, c’est la plus belle récompense qui soit ». C’est pourquoi il refuse de reprendre « des morceaux « cramés » » à force d’avoir été trop joués et préfère renflouer des thèmes enfouis dans l’infini répertoire du tango.
Osvaldo a hâte de découvrir Paris, « une ville à l’arôme de tango », Mecque de tout interprète venu au monde sur les bords du Rio de La Plata, de « traverser les ponts de la Seine et de se laisser consumer par la nuit parisienne ».
« Il a déjà fait et défait sa valise plusieurs fois », s’amuse une amie du personnage.
On jure qu’il ne manquera pas d’y glisser la magie qui l’entoure chaque soir où il entonne ses airs favoris.
Osvaldo Peredo, en concert le 14 octobre à la Bellevilloise.
Florent Torchut, à Buenos Aires
Crédit Photo : Elsa Broclawski