Juliette Ferry-Danini a enquêté sur l’absence d’études scientifiques probantes pour cet antispasmodique souvent prescrit en cas de douleurs menstruelles.
« Le Spasfon, ça ne marche pas sur moi » c’est une phrase que beaucoup de personnes menstruées ont prononcée et pourtant on connait bien la petite pilule rose prescrite contre les crampes menstruelles. Chaque année en France ce sont 25 millions de boites qui sont prescrites et en partie remboursées… sans compter les plaquettes délivrées sans ordonnance. Depuis le début de sa commercialisation en 1964 le Spasfon, présenté comme un antispasmodique, s’est imposé dans les armoires à pharmacie.
Le problème, c’est qu’aucune étude sérieuse n’a jamais démontré son efficacité pour les menstruations douloureuses… Spécialiste en philosophie de la médecine, Juliette Ferry-Danini a enquêté sur le médicament qui ne faisait pas non plus effet sur elle, et elle n’a pas été déçue du voyage.
Chercheuse à l’Université de Namur, Juliette Ferry-Danini a publié hier son livre « Pilules roses, de l’ignorance en médecine ».
Le Phloro Glucinol ne soulageait aucunement ses crampes. En réalisant que le médicament français n’était commercialisé pratiquement qu’en France, elle a eu la puce à l’oreille et elle a voulu en avoir le cœur net. Elle n’a pas été déçue.
D’abord indiqué pour la “crise de foie”, l’usage du Spasfon a très vite basculé sur une volonté de traiter les femmes pour leurs maux de ventre. Forcément, à l’époque, on pensait que les femmes étaient biliaires, un peu caractérielles si vous préférez, ce qui leur donnait des maux de tête et de ventre. D’ailleurs Juliette Ferry Danini explique qu’on traitait parfois aussi la famosa « hystérie » avec des antispasmodiques.
Comme le laboratoire a tout de même voulu prouver l’efficacité de son produit, il a fait réaliser un essai… en déclenchant volontairement des douleurs abdominales chez 14 femmes pour leur administrer du Spasfon et voir ce que cela donnait. Non seulement c’est pour le moins discutable scientifiquement mais vous avouerez que moralement, c’est assez limite.
Quant aux indications gynécologiques, là, on ne trouve aucune étude. Du tout.
Le pire, selon l’autrice de « Pilules roses », c’est qu’on n’a jamais écouté les femmes qui s’exprimaient sur ce médicament. Pour elle, derrière l’ignorance médicale et l’absence de rigueur scientifique, il y a une forme de sexisme. Et jamais la science n’aurait traité avec autant de légèreté le cas d’un médicament censé soulager une douleur masculine.
Le Spasfon, 60 ans que ça dure. Il est temps de faire de la place dans l’armoire à pharmacie.