La chronique de Jean Rouzaud.
En fin d’été, on peut raconter quelques visions de ces « touristes migrants » regroupés autour de « plages d’accueil », qui semblent être le but ultime de ces déplacements de masse…
Fétichisme et auto-bronzant
J’ai pu observer et noter l’équipement de ces « errants prévoyants ». Pour une simple « approche de l’eau » sur des bandes de terre, un déplacé moyen qui sort d’un véhicule emporte avec lui pas moins d’une vingtaine de fétiches : maillot, serviette, sandales, bouée, crème, eau, lunettes, nourriture, livre, parasol, chapeau, anti-insecte, masque, palmes, tuba, plan, guide, clés, T-shirt, natte, femme, enfant, médicaments, téléphone mobile…
Cette encombrement sans fin de matériel, censé parer à toute éventualité, me rappelle mon enfance plagesque, où je n’avais qu’un slip de bain ! Il m’arrive de douter de ce passé simple.
Mais entre-temps, la culture, la couche d’ozone, la chimie, la surproduction, la publicité, la pollution, la médecine, les moeurs, le littoral et la physiologie humaine auraient beaucoup changé…
Les vacances d’été sont devenues un parcours du combattant où s’engage la survie et la réputation.
Crédibilité touristique
« Survie », car sur ces plages lointaines, la nourriture peut représenter un risque important, mais le fait d’avoir surmonté de telles expéditions confère aux survivants une aura de bronzage et d’aventure : une crédibilité touristique en quelque sorte.
Car « y être allé », « en revenir », « avoir fait » un pays ensoleillé ou mieux, un « spot » réputé ou, encore plus chic : qui va devenir culte, fait partie de ce qui est devenu un rituel, avec divinités et offrandes.
Coquillages & crustacés
Les divinités sont les modèles des apprentis Adonis et Aphrodites de plages, et les offrandes le tarif des objets de culte : sandwiches, glaces et boissons en vente dans les petits temples, majorés par la proximité des lieux magiques.
Mais après tout, mieux vaut cette religion pacifique, aux anciens cultes impérialistes et guerriers…Ces armées de touristes ne s’entretuent pas sur les plages !
C’est vrai jusqu’à présent, et je devrais me taire…mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il n’y aura pas assez de place pour tous et qu’il va falloir varier les plaisirs.
À lire aussi sur le même sujet, aux Éditions L’Échappée : L’Usure du monde – Critique de la déraison touristique, par Rodolphe Christin.
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