Deux livres pour des morceaux de vérité.
Il ne faut pas moins de 2 livres, dont un sur le seul manager, Peter Grant, pour lever un peu le voile sur ce que certains appelaient « le plus grand groupe du monde ». Deux auteurs pros : Barney Hoskins et Chris Welch, ont tenté l’historique, longtemps gardé secret ou interdit aux critiques, avec l’aide de dizaines de témoins importants : attachés de presse, agents, groupies, managers, rock critics, amis, familles, roadies, avocats, organisateurs, tourneurs et responsables d’Atlantic et autres Swan Song…
Ca m’a replongé dans les querelles de chapelles de l’époque, ou fans et critiques s’affrontaient, clans et familles intellectuelles s’opposaient. J’étais à ACTUEL, côté Byg Records, partisans de Beefheart, Gong, Rock planant, Kraftwerk, Sun Ra, Free Jazz etc .. Plutôt intello froid, face à Rock and Folk , à fond dans les grands groupes Pop, Psyche, Progressive et même Hard Rock. Frères ennemis ?
Je pensais même que Led Zeppelin était américain, comme Jefferson Airplane ou Grateful Dead. Pourtant l’histoire de ces petits génies anglais, véritables virtuoses d’un Rock tentaculaire et boursouflé, qui avaient révolutionné les concerts live géants, et même le management des tournées, méritait plus d’attention. Comme tous les petits gars de l’après guerre british, ils avaient grandi dans les ruines et … la liberté . Passé les essais Skiffle et Rockabilly, les meilleurs avaient plongé dans le Blues : Animals, Small Faces, Yardbirds. Mais le blues électrique anglais, c’est une toute autre histoire.
Le truc c’est que CE groupe là, Jimmy Page (un des 3 Guitar heroe anglais avec Eric Clapton et Jeff Beck) a vraiment monté un casting qui a fait boum. Un batteur atomique : John Bonham (école Keith Moon, le batteur mythique des Who), un chanteur exceptionnel : Robert Plant, ( beau et inspiré), et un arrangeur multi instrumentiste (de haut niveau ): John Paul Jones. Tous avaient du métier, repérés comme des pur sang du British Blues. Page avait déjà frisé la gloire avec les Yardbirds, vraiment un groupe séminal ou les plus grands se sont formés, et il voulait diriger et taper dans le mille d’un Blues Rock imparable.
Faire oublier les Beatles et surclasser les Stones ? Le Swinging London envahissait le monde et la British invasion était une réalité incroyable, alors il y croyait.
Pour couronner ce plan, un certain Peter Grant devint leur manager : et il était DEJA entré dans la légende, en coachant en Angleterre toutes les stars des années cinquante : Gene Vincent, Eddie Cochran, Bo Diddley, Little Richard , Jerry Lee Lewis, Chuck Berry, les Everly Brothers, etc … C’est trop mais c’est vrai. Et c’est avec ce géant de 120 kgs que Led Zep va prendre une direction spéciale. Cet homme devint leur garde du corps, leur chauffeur, leur trésorier, leur tourneur, et leur père, mais façon desperado. (d’ou le livre qui lui est consacré)
Il en avait tant vu avec les Rockabillies (vol, armes, menaces , insultes, bastons et police..), qu’il ouvrit la route des Zeppelin au bazooka, la seule manière qu’il connaissait. La violence entourant les quatre surdoués devint un membre du groupe.
Leur succès phénoménal aux Etats-Unis, l’adoration qu’ils déclenchaient, leur musique éléphantesque , les shows géants de 4 heures, leur look de Hooligans mâtinés de Dorian Gray, leurs groupies scandaleuses, leurs excès, leur dureté et les truands dont Grant s’entourait, firent la légende.
Comment comprendre aujourd’hui cette conquête de l’ouest par une musique énorme ( ils sont avec le MC5, les parrains du Heavy Metal encore si actif !)
Un mélange d’idées : Blues, Folk anglais, Dandies, Hooligans, Hippies mais aussi Rockers purs et durs, des lectures comme Tolkien et ses légendes médiévales ou Aleister Crowley le sataniste, entre les mains d’anciens requins de studio, dans une époque de violence et de passion ( l’Amérique bouillonnait de manifs et d’émeutes)
Une pluie de dollars et de drogues variées : voilà le cocktail de 1969 à 1975. La jeunesse, chauffée à blanc par des quantités de groupes souvent détonants, au firmament de cette passion, adora les quatre mousquetaires beaux et inquiétants, mystérieux et intouchables (Peter Grant érigeait un mur autour d’eux et répondait à tous leurs caprices). La presse Rock fut muselée et aux ordres du géant.
Ces livres – reportages révèlent, entre les lignes des chapitres et des témoignages, les incroyables dérives, abus et misères d’ une époque (1965-1975) incomprise, classée baba cool ( ! ) par les ignorants, et qui fut en fait une sorte de guerre civile teintée de décadence révolutionnaire. Une grande bataille rangée.
_ The Man Who Led Zeppelin. L’’incroyable odyssée de Peter Grant, le 5 eme homme. Par Chris Welch . Préface de Nick Kent. Editions Rivages Rouges
415 pages . 9 euros .
_ LED ZEP . Gloire et décadence du plus grand groupe du monde par Barney Hopkins . Ed Rivages Rouges . 770 pages ! 11 Euros 50.