La chronique de Jean Rouzaud.
Avec la sortie de ces archives sur John Lennon, Yoko Ono a un peu l’air de solder les dernières bandes (sons et images) qui trainent encore sur le Beatles échappé…Il est le seul des Fab Four à avoir eu autant de succès, après le split, et en solitaire avec un album pur Rock and Roll, puis le John Lennon/Plastic Ono Band, et ce double album Imagine planétaire…
La veuve noire de la Pop, et l’idole
Voici donc, dans le désordre, deux films / documentaires / clips (et même un livre), orchestrée par la veuve noire de la Pop, autour de son mari, idole, faire-valoir, amant médiatique et maître à penser du « Peace and Love »… Son et images super restaurées, remixées, emballées. On peut regarder avec nostalgie et curiosité, toutes sortes de séquences, entre « home movie » et bobines réalisées par des potes, un peu au hasard, de la nouvelle vie du héros, entre manoir et studio.
Deux films séparés : Imagine et Gimme some truth. Un mini-défilé de people inattendus : Jack Palance, Fred Astaire, Andy Warhol, Dick Cavett, et même Jonas Mekas et Phil Spector en conseillers du maître…Séance photos avec David Bailey, pour bien tamponner la fin de la british invasion, devenue internationale, et sous caution américaine.
Quelques happy few donc, autorisés à approcher le génie et sa muse, en résidence (fiscale) aux États-Unis. Il en ressort des images comme volées, fantomatiques, après la tempête des sixties, quelques plans des naufragés, survivants sur une plage déserte…La solitude et l’isolement de Lennon sautent aux yeux.
Yoko Ono en hippy sexy, mini-short, cuir et bottes, sanglés ou décolletée comme une maitresse SM, version Flower Power. Ou alors chapeau, cheveux au vent, ceinture de balles / cartouchière, battle dress et béret, genre guerillera cubana + rappel guerre du Vietnam etc.
Festival de looks seventies
C’est assez fou ce festivals de looks seventies : Lennon en costard blanc immaculé, cheveux longs, barbe, ou en chemises hippy imprimée cool et chapeau de Zorro, ou version gavroche, avec casquette molle sur l’œil, ou panoplie G.I. libéré du Vietnam, avec chemise de surplus kaki, écusson Peace, jeans patte d’ef de rigueur, et lunette ronde à la Hô Chi Minh ! Et des fourrures ridicules, pour les deux amoureux…
Quand le succès et l’image prennent le dessus sur une gloire médiatique folle : « plus célèbre que le Christ ! » Mais y a-t-il cru ? Lui qui a dû s’excuser de son arrogance sacrilège…
Quant aux US, d’où il allait lancer cet album quasi ultime, Imagine, bourré de merveilles : « Jealous guy », « Power to the people », « It’s so Hard », « Don’t want to be a soldier mama »…
C’est aussi au cours de ce séjour que Lennon va sombrer un temps dans l’héroïne, partir à L.A. avec la nounou du deuxième héritier (et chassé par Miss Ono), s’alcooliser à fond, puis revenir vers maman, calmé et confus. C’était ça la réalité : une gueule de bois. Il y eut une adéquation parfaite entre le mélodiste génial, à la voix de chat écorché, et le côté olympien des paroles…d’évangile pour une génération en bout de course.
Ces images de films, ces séances de studio studieuses, entouré et surveillé par l’omniprésente Yoko et quelques amis ou proches pour se rassurer sur ce qu’il savait très bien faire tout seul, sont plates. On est un peu obligé de prendre de la distance, devant ces longs clips épars, avec manif, party, breakfast, quelques bouts de chansons, ballade d’amoureux qui se bécotent sans cesse, qui se déguisent…Comme des rushes récupérés, sans suite.
J’aime les archives, mais là, ça ressemble à des chutes de film. Encore une fois, on peut s’intéresser à cette surface des choses : les films d’époque sont toujours instructifs, alors patience.
Imagine et Gimme some Truth. Deux films d’archives sur Lennon et Yoko (1971). Sortie en salle et en DVD, Blue ray, remastérisés, remixés. Distribution Eagle Vision (pour Universal) + un livre Imagine John Yoko. 320 pages, éditions du Chêne.
Visuel en Une : (c) Iain Macmillan