Pour toutes les coiffes à plumes de Coachella.
Trop c’est trop. Après les culottes « Navajo » (du nom d’un peuple amérindien) chez Urban Outfitters, la coiffe de plumes qui fait désormais partie du dresscode de Coachella, et, apothéose, la combinaison des deux dans un défilé Victoria’s Secret, plusieurs communautés amérindiennes ont demandé le 15 juin dernier à l’Organisation des Nations Unies d’interdire officiellement l’appropriation culturelle, cette utilisation (parfois erronée, parfois carrément raciste) de codes et de traditions provenant d’une autre culture.
Les populations amérindiennes ne sont pas les seules concernées. Elles ont donc décidé de prendre les choses en main au niveau législatif mondial, en s’adressant à l’ONU, pour faire interdire une ce pillage culturel. Une commission spéciale travaille sur une proposition de loi depuis pas moins de 16 ans. Son but : étendre les règles de la propriété intellectuelle aux danses, musiques, médecines, arts traditionnels d’une ethnie ou population.
That time Vogue dressed up Karlie Kloss, a white model, as a geisha. pic.twitter.com/u3TRwzaSgA
— AJ+ (@ajplus) February 16, 2017
Les avocats qui la défendent ont choisi de mettre un petit coup de pression à l’ONU, alors que se réunissent à Genève les 189 délégués de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
C’est quoi le problème ?
« L’appropriation culturelle, est l’utilisation de codes, traditions, éléments esthétiques d’une autre culture que la sienne, dans la plupart des cas dans un contexte colonialiste », peut-on lire sur le blog Simonae. « Cela pose problème dans la mesure où cette utilisation repose sur des clichés, souvent racistes. »
Les inégalités sociales qu’elles subissent et ont subies à travers leur histoire rendent insupportable pour ces populations une telle utilisation de leur culture. Surtout lorsqu’elle désacralise certains objets comme la coiffe de plumes.
Les inégalités économiques subies par les cultures pillées sont également déterminantes, comme l’expliquait la réalisatrice afroféministe Amandine Gay lors d’une interview à la revue Ballast .
« En soi, des mannequins blanches qui portent du wax et de fausses dreadlocks, dans un monde égalitaire, ça ne devrait pas poser de problèmes. L’enjeu est lorsque, dans ce même monde (la mode), les mannequins noires ne trouvent pas de travail, sont sous-payées et que toute cette industrie repose sur l’exploitation des femmes racisées des pays du Sud. »
James Anaya, l’un des avocats défendant la proposition de loi présentée à l’ONU fait notamment référence à la collection « Navajo » de la marque américaine Urban Outfitters. En utilisant le nom de la nation Navajo et ses attributs culturels, sans spécifier que le produit en question n’a aucun rapport avec eux, Urban Outfitters utilise la culture Navajo (dont le nom est déposé) pour vendre un produit. Un scandale, quand on connaît le contexte économique dans lequel vivent ces populations. Sans parler, bien entendu, du génocide qu’elles ont subi.
La pop culture en première ligne
Face à des Miley Cyrus qui twerkent, des Taylor Swift qui raflent les prix aux mépris de Beyoncé ou Nicky Minaj, des Katy Perry qui rêvent de cheveux crépus, la parole s’est libérée ces dernières années sur les réseaux sociaux. Les internautes s’insurgent, tout comme les artistes. Et notamment les Afro-américaines, qui n’en peuvent plus de voir leurs comparses blanches faire des millions avec une version édulcorée de leur culture, si longtemps interdite, diabolisée et niée.
Et le twerk de Miley n’est rien par rapport à l’utilisation du « N word » par des rappeurs blancs. « Nigga », dérivé de « nigger » (nègre) est peut-être le meilleur exemple de ce qu’il y a d’irrespectueux dans l’appropriation culturelle. Entre rappeurs noirs, « nigga », ponctue une phrase sur deux. « My nigga » tient lieu de « frère », et est un signe d’appartenance à une communauté noire déclassée. Pourtant, dans la bouche d’un blanc, aussi immergé qu’il soit dans la culture rap et ses racines noires américaines, « nigga » devient tout de suite le mot « nègre » qui a asservi des millions d’hommes et de femmes pendant plusieurs siècles.
Ça ne passe plus (mais alors plus du tout)
Aujourd’hui, plus personne ne se gêne pour coller la honte aux marques et aux magazines. Chanel et son boomerang à 2000 $, piqué à la culture aborigène australienne, en savent quelque chose. De même que la créatrice américaine Tori Burch, qui s’est légèrement inspirée d’un manteau traditionnel roumain.
Non contente de plagier jusqu’à la moindre broderie, elle l’a également présenté dans sa collection comme un « accessoire inspiré par l’Afrique ».
Pas de chance, l’original est exposé au Metropolitan Museum de New York. Ce que n’a pas manqué de lui faire remarquer sur Facebook La Blouse Roumaine, une communauté de préservation de la culture vestimentaire du pays. La styliste a depuis reconnu ses erreurs.