Un site allemand a commencé à stocker les bruits et les odeurs sur le point de disparaître.
On le note depuis quelque temps désormais, il y a plein de choses qui disparaissent sans que l’on s’en rende vraiment compte. Et notamment, des bruits. Le bruit du fax, celui de la connexion au modem, les bruits des sabots sur le bitume, le bruit du répondeur qu’on écoute en rentrant chez soi. On a oublié aussi le bruit que faisait la messagerie en ligne MSN quand on recevait un message, et probablement aussi ceux du marteau sur l’enclume.
Les bruits du quotidien ne sont pas les seuls à disparaitre. Comment retrouver certaines odeurs, certains goûts ? Quand Yop a arrêté son Yop nature, est ce que nous avions saisi que ce goût nous échapperait pour toujours ?
Et les odeurs ? Constatant le désert olfactif qui est le nôtre, les précautions que l’on prend pour éliminer les odeurs, l’historien Alain Corbin, a même consacré un livre à leurs histoires. Car en quelques siècles, beaucoup d’odeurs ont disparu. L’ouvrage s’appelle Le miasme et la jonquille (éditions Champs Histoire), et il est passionnant. On y apprend qu’à partir de 1750, les hommes ont arrêté d’apprécier les odeurs d’excréments et d’ordure, et ont décidé d’y remédier en s’aspergeant d’odeurs très fortes, comme le musc. Je vous laisse imaginer la saveur du mélange. Et puis, peu à peu, les élites, dont le nez commençait sérieusement à fatiguer, sont partis à la recherche de l’odeur de la jonquille, du frais et naturel, puis de la non-odeur qui laisserait enfin leur odorat en paix.
Dans Le miasme et la jonquille, Alain Corbin raconte que commence alors un long processus de « désodorisation » de la société, un processus qui a conduit au silence olfactif actuel (l’exception confirmant la règle, il est normal que le métro parisien, marseillais, rennais, lyonnais ne soit pas tout à fait silencieux olfactivement).
La disparition des odeurs a donc déjà eu lieu. Heureusement, l’humain est maniaque et collectionneur, et il a une grosse tendance à stocker. Il y en a toujours un pour sauver de l’oubli des choses qui lui semblent importantes. Ainsi, un site allemand, conservethesound.de (auquel vous pouvez participer), proposer le bruit que fait un interrupteur en Bakélite, celui d’un fouet à l’ancienne avec une petite manivelle sur le côté, celui des touches d’un vieux téléphone, etc.
Si vous avez un son que vous avez peur de perdre, comme l’ouverture d’un placard chez votre grand-mère, ou celui de l’ascenseur au bureau, sachez donc que vous pouvez l’entreposer sur ce site et l’avoir à disposition en cas de nostalgie sonore.
Les odeurs aussi, et ça semble pourtant plus difficile, font l’objet de recherches pour les conserver. L’université College of London a ainsi mandaté une historienne et une chimiste pour recréer des odeurs anciennes et récentes, comme la cire des parquets, afin qu’on puisse les conserver.
Alors, tout doit disparaître, mais certains sont vraiment déterminés à ce que notre passé nous survive.
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