le nouveau tube du cinéma mexicain : conceptuel et absurde
Un matin, un jeune type se lance dans une litanie de mots doux devant son miroir. Il la reprend encore et encore. Est-il en train de se préparer à une déclaration d’amour à coups de « contamine-moi » « Reviens-moi » ou « Je t’ai aimé », « Ce qui fut ne sera plus jamais » ? Pas du tout, ce qu’il annone ne sont que les titres des bluettes dont il vend une compilation dans le métro.
Tout dans Les chansons populaires tient à des faux-semblants, des collusions impromptues autour de Gabino, disquaire à la petite semaine. Il vit encore chez sa mère, et va bientôt voir réapparaître Emilio, son père, un vague truand, qui avait deserté le foyer vingt ans auparavant. Soit pile poil le décorum d’un redoutable (pour ne pas dire supremement chiant) cinéma d’auteur latino qui a fait son trou dans le cinéma d’art et essai depuis une quinzaine d’années. Ce postulat est le premier des chausses-trappes des Chansons populaires, qui n’a pas grand chose des lénifiantes chroniques réalistes dont nous abreuve (jusqu’a nous saoûler ?) cette production.
Si son réalisateur Nicolas Pereda, – inconnu en France, adulé par certains cinéphiles- n’a rien contre le réalisme, c’est pour le distordre, le flouter dans ses films et son credo : faire du documentaire et de la fiction, non pas des antagonistes mais deux facettes complémentaires. Les chansons populaires est d’ailleurs conçu comme en miroir, ou presque. Deux parties quasiment égales : le retour du père de Gabino et la nouvelle relation entre les deux hommes. Sauf que ce reflet est sérieusement biaisé: non seulement on est passé de la maison, relativement confortable de Gabino au taudis où habite Emilio, mais surtout ce n’est, d’un seul coup et sans explication, plus le même acteur qui l’interprète. Tandis qu’en coulisses, les deux comédiens sont réellement père et fils dans la réalité.
Le pari structurel des Chansons populaires est audacieux – et en laissera très probablement plus d’un sur le bord de la route- et fascinant dans son idée de vacillement, de sol qu’on enlève sous les pieds. Ca aura pourtant été fait avec précaution, de cette atmopshère qui sonne un peu faux dans la première partie, au bord de la parodie de la langueur devenue aussi irritant qu’un urticaire chez certains cinéastes sud-américains. Pereda s’en moque visiblement en décadrant son entrée en matière, affirme que tout ceci est sans doute du flan lorsque ses comédiens regardent la caméra droit dans l’objectif, donnent la preuve que même si ça à l’air plus vrai que nature, on est dans de la fiction, au cinéma
Les chansons populaires s’amusent de cet art de l’artifice, laisse même entrer par moment dans le champ son équipe technique, ou donc subtilise un comédien et le troque pour un autre dans un même rôle. Même si cette démarche peut décontenancer, voire agacer – la répétition volontaire de scènes et plans séquences quasi fixes peut lasser à la longue, elle reste malgré tout ludique, que ce soit lorsque les personnages, censés donc être réalistes muent en créatures de télénovela aux propos quasi-grotesques, ou et sutout en laissant peu à peu les spectateurs prendre la place de Pereda et quasiment se faire leur propre film, au gré de leurs interrogations sur ce qu’ils voient, et le sens à donner à ces images.
Certes, Les chansons populaires peut avoir l’air d’un concept un peu abscons, tournant en boucle comme le ferait un disque rayé. Toutefois, à l’image de cette psalmodie de titre de chansons récités comme une table de multiplication, c’est sa part d’absurde qui l’emporte et qui finit par être entêtante, comme le sont parfois les ritournelles qui donnent le titre à ce film.
En salles depuis le 31 juillet