La chronique de Jean Rouzaud.
Les éditions françaises Lobster Films viennent de restaurer un film culte, suite à leur recherche d’une copie interpositif d’origine, car ce film noir et blanc de 1932 est un bijou de composition et d’expression, qui fut entièrement conçu et dessiné sur le papier avant le tournage.
En une heure seulement, la tension de cette histoire nous emporte pas à pas vers la peur. L’inquiétude monte jusqu’au déchainement final : une chasse à l’homme dans une jungle recomposée.
J’ai vu quelques planches dessinées pour « créer » ce décor : pour être plus graphique, plus théâtral, plus dramatique, avec premiers plans, contre-jours, précipices et marais…
De véritables illustrations expressionnistes, peintes au lavis, afin que chaque plan ou séquence soit dans un écrin d’ombre, avec végétation échelonnée dans une lumière diffuse et crépusculaire.
Rentabiliser King Kong
L’équipe de concepteurs, producteurs, directeurs artistiques, opérateurs, ont tourné deux films sur le même plateau : King Kong et Zaroff, ou plutôt « The most dangerous game », son titre original.
Même équipe, même actrice, pour rentabiliser la nuit, le gigantesque décor de Kong ! À cette époque, les décors pouvaient occuper des hectares, et les reconstitutions de bâtiments ou nature prenaient des proportions énormes que des foules venaient visiter en payant !
D’après une nouvelle de Richard Conell, deux réalisateurs aventuriers, Ernest B. Shoedsack et Irving Pichell, eux-mêmes associés à la production à David O. Selznick et Merian C. Cooper, appuyés par les décors de Carrol Clark, et la photographie d’Henri Gerard… Il fallut toute cette équipe de super-pros pour réaliser cet exploit.
Il reste une histoire crue, dépouillée, à l’action brutale, enlevée comme une bande dessinée, noire comme un polar, spectaculaire comme un opéra, dont les copies et remake n’ont jamais approché la classe. Et ce, avec très peu de plans : le naufrage du début, l’île, et la demeure du comte sont déjà une claque. Angles et cadrages parfaits, brumes, lumières floues et clair-obscur… Pour tomber dans un théâtre où le comte Zaroff, habité plus qu’interprété par Leslie Banks, va mener la danse.
La première fois qu’un film traite une nature sauvage en style gothique !
Les Chasses du comte Zaroff. DVD noir et blanc en VO sous-titrée français. Distribution : Lobster Films. DVD et Blu-Ray. 60 minutes.
Bonus : extrait de King Kong. Interview de Merian C. Cooper par Melvin Brownlow. Introduction au film et galerie photos.
Visuels : (c) Lobster Films