Élu en 2022, le maire de Katmandou, Balendra Shah a un parcours étonnant, partagé entre les plateformes de streamings et les bulletins de vote.
Depuis que Bernard Tapie a partagé le micro avec Doc Gynéco, on n’a pas forcément envie d’entendre plus d’hommes politiques rapper. Pourtant aujourd’hui on vous a déniché un contre-exemple loin du « fonblar Bruno Escobar » et d’un Tapie en chauffeur « touché mais pas coulé », et qu’on se doit de vous partager. Direction la capitale du Népal, Katmandou, ville dont le maire fait aujourd’hui l’objet d’un portrait dans le New York Times. Cet élu a une particularité qui nous intéresse, Balendra Shah, alias Balen, est rappeur, et rencontrait un certain succès avant d’accéder à la fonction publique.
Curriculum Vitae
Balen, aujourd’hui 33 ans, s’est lancé dans la musique à la vingtaine, et tire son épingle du rap-jeu dans la scène népalaise. L’emcee participe à des battles retransmises sur le net, et sur les plateformes de streaming, ses morceaux cumulent des centaines de milliers de lectures. L’un de ses plus grands succès, « Balidan », plafonne aujourd’hui à 7 millions de vues sur YouTube, un score très respectable dans l’arène du hip-hop de Katmandou.
À côté de cette carrière artistique, Balen cumule diplôme d’ingénieur et du génie civil et a pu travailler à la reconstruction de la ville après les tremblements de terre de 2015, des séismes qui ont dévasté la région, en emportant 17 000 âmes. Ses compétences et sa popularité en tant qu’artiste lui ont donné suffisamment de légitimité aux yeux du grand public pour se présenter aux élections municipales de 2022 en tant que candidat non partisan, en indépendant.
S’il s’agit bien d’un nouveau visage dans l’échiquier politique, l’artiste avait déjà fait connaître ses positions dans le débat public, à travers ses textes. La politique a toujours préoccupé Balen. Ses rimes critiquaient la situation du pays, et pointaient du doigt des nœuds dans la société népalaise qui sont devenus des clefs de voûte de son argumentaire. Son tube « Balidan » alertait sur l’état de l’économie népalaise qui a poussé des centaines de milliers d’actifs à tenter leur chance à l’étranger. Une fuite des cerveaux qu’il a placé comme un des points majeurs de son programme, aux côtés d’un travail de re-planification du paysage urbain de la ville.
Phénomène Balen
Balen a remporté l’élection en mai 2022, ce qui fait de lui le premier maire non-partisan de l’histoire de Katmandou. Ce succès a provoqué des remous dans la politique du pays, comme l’ont constaté plusieurs analystes relayés par le New York Times et des journaux locaux qui parlent d’un « Balen Phenomenon ». Cet « Effet Balen » témoigne d’un regain d’intérêt pour la politique chez les jeunes qui souhaitent s’y impliquer plus durablement, et peut-être devenir les nouveaux visages de la politique népalaise. Ce phénomène s’accompagne d’un ras-le-bol de toujours voir les mêmes figures politiques se re-présenter dans l’arène.
Après une année dans ce nouveau siège, le bilan de Balen est mitigé. Si le maire rappeur reste populaire, une partie de la classe politique le perçoit comme une menace. De plus, son travail sur la carte de Katmandou, ce retraçage des rues qu’il impose, laisse des habitants sur le carreau. Dans l’article du Times, on peut lire l’histoire d’un couple dont l’habitation a été démolie dans le cadre d’un plan d’urbanisation de la ville. Si ces habitants se disent confiants en l’avenir, et en la capacité de ce projet à améliorer le paysage de Katmandou, on ne leur a pas proposé de plan de repli pour se loger.
En 2023, notre maire continue de gratter des couplets. Le 23 mars dernier, Balen publie un clip tourné à Londres pour le morceau « Man Yo Udyo », en portant la tenue complète noire qui était son look de campagne. Dans les commentaires, ses administrés se félicitent d’avoir le premier maire rappeur de l’histoire.