Pourquoi et comment les échecs sont devenus un jeu badass.
Alors que Rza vient d’annoncer qu’il participait au financement d’un programme de réinsertion dans les prisons juvéniles de St Louis par les échecs, ce qui confirme sa passion maintes fois réaffirmée pour le jeu, on vous propose de replonger dans notre analyse des connexions entre les échecs et le rap.
Quand on pense échecs on se dit que ça rime avec dimanche pluvieux, poussiéreux, studieux. Cliché ! Battu et rebattu. En parallèle de leur symbolique et existence traditionnelle, les échecs sont aussi devenus sans que l’on se rende totalement compte un art de rue, qui se joue sur les trottoirs, avec des potes un peu badass.
Et on a décidé de comprendre pourquoi échecs & hip hop faisaient si bon ménage.
D’abord parce que jouer aux Echecs, c’est évidemment jouer avec les notions de vie et de mort et mimer une guerre. En un coup, on décide du destin de l’autre – de la possibilité de le mettre en échec, de le mater. Plus encore, chaque pion a son rôle à jouer et doit trouver une stratégie pour faire quelque chose de sa vie/partie.
En cela, c’est un jeu bien plus martial que le poker, où l’on ne fait que simuler à grand coup de billets et de bluff. A la guerre comme à la guerre, les échecs ne mentent pas – la stratégie prévaut, l’on somme même son adversaire avant de lui tirer le coup fatal. Or ces idées de la guerre (de classe, de genre, de communautés), de la fatalité, du destin tragique dont on peut se sortir sont assez rap game.
C’est d’ailleurs cet aspect guerrier, mais canalisé, du jeu qui a séduit un des meilleurs représentants de cette accointance échecs/hip-hop à savoir RZA, du Wu Tang Clan. C’est lui qui a participé à la fondation de la Hip-Hop Chess Federation en 2006 : au programme, du hip-hop, des arts martiaux, des échecs. Ce triumvirat de disciplines permet de dépasser l’agressivité sur le plan verbal, physique et intellectuel – et ça marche. RZA se balade d’école en école en faisant la promotion des échecs et en renouvelant l’image même de la discipline.
Mais il n’est pas le seul rappeur qui rend hommage aux échecs. Lorsque Dre a été présenté sur la couverture du magazine XXL, il a choisi d’être mis en scène devant un échiquier – histoire de passer pour quelqu’un de sérieux, de réfléchi. Devant une table de poker ç’aurait été vulgaire, devant une partie de trouduc un peu naze et en train de jouer au domino, pas assez moderne. Ce qui, par transitivité, fait des échecs un jeu classe, distingué et signe de puissance. A.k.a un sport à très haute street credibility.
Et la tradition même du jeu d’échecs n’est pas quelque chose pour les snobs, la preuve dans la série The Wire – réputée pour sa juste vision du quotidien de jeunes de Baltimore. Là, l’échiquier est comparé à la rue – où chacun a un rôle subtil à jouer pour dépasser les structures et s’en sortir : « Le roi reste le roi », « Les pions se font vite dégommer (…) sauf s’ils sont malins » nous apprend ainsi D’Angelo – autant de préceptes qu’on retrouve souvent dans les textes de rap qui ont une visée pédagogique. Apprendre à jouer aux échecs, c’est apprendre à devenir un fin stratège qui a entre ses mains son destin.
Evidemment, si l’on parle de la culture hip hop nous ne pouvons faire l’impasse sur les grands textes de rap qui citent ou font référence explicitement aux échecs. RZA, nous l’avons dit évidemment, mais également son cousin GZA (grand joueur également) qui dans le morceau « Weak Spot » du Wu Tang dit :
I stay on the 64 squares, while patrolling the center/ Trading space from material, the time zone, I enter / It’s calculated by movement, from pushed pieces / Advancements and development, once the pawn reaches (…) Rock a V and an effective God is invincible / A strategic plan, just the way I envisioned it/ Many fallen soldiers in complete imprisonment.
La vie se joue sur 64 cases, chaque mouvement doit être calculé, progressif et dans la bataille, des pions tomberont. Toute la métaphore filée est là. C’est cette même idée que l’on retrouve quand Lauryn Hill nous dit : « I play my enemies like a game of chess, where I rest, No stress. » Ou quand Jay Z fait un point sur sa vie : « Over my years I’ve seen rooks get tooken by the knight / Lose they crown by tryna defend a queen / Checkmate, in 4 moves. »
Ces références aux échecs ne sont bien sûr pas neuves, en revanche avec le temps on peut s’imaginer que ce jeu devienne une tradition, un héritage et une culture transmise et respectée de tous. En attendant, petite galerie de ces rappeurs qui jouent (ou font semblant de jouer) aux échecs.
En attendant, retrouvez-nous à la soirée Chess This Out – ce jeudi 23 octobre.