Pour prolonger la fameuse phrase du poète franco-américain Robert Filliou (« L’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ») qui leur sert de devise, la compagnie bordelaise Black Louve s’empare d’une pièce d’Ivan Viripaev, dramaturge russe dont les oeuvres sont aujourd’hui interdites dans son pays natal suite à ses propos dénonçant l’invasion de l’Ukraine.
« Détendre les gens et les ouvrir, voilà les deux objectifs de mon travail », affirme volontiers Viripaev. Ce qui peut impliquer quelques verres d’alcool – za vache zdorovie, mais avec modération. C’est le cas dans cette pièce, une soirée d’ébriété qui nous présente une galerie de personnages, une quinzaine de protagonistes transfiguré.es, le feu aux joues, sublimes et désastreux.ses, aux prises avec des pièges invisibles, des péripéties cocasses, des contretemps improbables. Tout est permis, pour le bonheur ou le dam de ses héro.ïne.s. De quoi arracher son masque policé, hurler ses absolus, ses concentrés de joie ou sa colère, à la face des dieux.
Dans une facétie et une fièvre à la Dostoïevski, ses excès de verbe et ses débordements d’aventure profondément théâtraux, Les Enivrés joue et rejoue chaque virgule d’histoire comme un coup de dés dont on se demande si le hasard ou la fatalité y survivra. Se refusant à la résignation ou à l’aigreur, tout à leur exaltation tragique, écorchée, carnavalesque, la troupe sortie du cerveau de Viripaev, réinterprétée sous la direction d’Antoine Basler, maintient son appétit vorace de vie, d’amour, du monde ; une quête sans cesse recommencée, contrée, contrariée, à la manière de ce Sisyphe qu’il faut peut-être, si on en croit certains philosophes, imaginer heureux.
La Radio Nova Bordeaux vous offre des places, juste ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.