Pendant que Noémie Merlant prend de la hauteur pour célébrer la sonorité, « Vingt dieux » fait corps avec le monde rural.
« Les Femmes au balcon » : la sororité célébrée
En septembre dernier, Noémie Merlant tenait le rôle principal d’Emmanuelle, film qui, plus qu’une revisite du classique du cinéma érotique, s’essayait à redéfinir l’érotisme, autour de la notion de désir. Trois mois plus tard, l’actrice revient avec son second film de réalisatrice, lui aussi taraudé par cette question, mais sous un angle opposé. À l’inverse de la glaciation d’Emmanuelle, Les Femmes au balcon s’échauffe via une bande de trois copines qui en pincent pour un voisin dans l’immeuble d’en face qu’elles ne cessent de mater. Avant même qu’elles ne le rencontrent, Merlant s’est emparée de la question du regard posé sur les femmes pour le retourner, se le réapproprier. Les Femmes au balcon est un film qui en met plein la vue, par l’audace de son mélange des genres, de la comédie loufoque au gore en passant par le drame. Mais aussi dans son rapport au corps féminin, ici dénudé pour le désacraliser, recentrer le quotidien de ses trois personnages autour de lui et l’exfiltrer des violences sexuelles auxquels les hommes peuvent le soumettre. Merlant en profite pour déshabiller le cinéma de ses conventions et le faire respirer à l’air libre. Les Femmes au balcon et son trio fantasque et fantastique – Merlant donc, Sanda Codreanu et Souheila Yacoub – y trouvent la possibilité de se lâcher, dans tous les sens du terme, pour une très joyeuse célébration de la sororité comme un endroit de tous les possibles, de la consolation à la jouissance en passant par l’affirmation de soi.
« Vingt dieux » : l’apprentissage du métier, comme de la vie
Si Les Femmes au balcon a tout pour faire parler de lui, l’autre sortie de la semaine veut faire tout un fromage. Littéralement, quand dans Vingt dieux, Totone, un fils d’agriculteur plus porté sur les fêtes de village que sur la ferme familiale, décide, pour la sauver, de se lancer dans la fabrication d’un Comté pour remporter un concours agricole doté d’un beau magot. Le premier film de Louise Courvoisier fait mijoter dans son chaudron naturalisme à la Pialat et bienveillance humaniste d’un Ken Loach. Vingt dieux est à la fois brut de décoffrage et nourri d’une tendresse pour ses personnages plus nature que pittoresque, ou l’intime est filmé en scope, les stéréotypes effacés par la franchise. Y compris dans le regard sur le monde paysan d’aujourd’hui, ses souffrances et ses transformations. Splendide film d’apprentissage du métier comme de la vie, peaufiné dans ses moindres détails, Vingt dieux tient de la noblesse de l’artisanat et du travail manuel.
Les Femmes au balcon / Vingt dieux. En salles le 11 décembre.