Dans l’immense majorité des cas, quand la chronique dit d’un spectacle qu’il est « au point mort », ce n’est pas un signe encourageant pour ce dernier. Sauf ici. Car le « point mort », c’est aussi l’apex de la parabole voltigeuse, un instant d’apesanteur illusoire en sortie de trapèze, avec d’exécuter ses figures. Ça dure quelques dixièmes de seconde à peine, où l’on se prendrait presqu’à croire que l’envol d’oiseau pourrait appartenir à la palette de nos capacités – tel l’Icare de la mythologie, François Reichelt à la Tour Eiffel (l’une des vidéos les plus tristes du monde) ou, plus près de nous, Bertrand Belin chez Tigre d’Eau Douce, morceau playlisté sur nos ondes.
Un point infime et fascinant érigé comme un idéal (littéralement) hors du commun, une ivresse des altitudes hissée comme un antidote, un frisson narcotique et risque-tout pour conjurer le sentiment d’absurde qui assaille la petite troupe des « Flyings » sitôt redescendu des perchoirs et des trapèzes, sur le plancher des prim’holstein.
Liant expression aérienne et théâtre dansé, cette nouvelle pièce de la chorégraphe-trapéziste genevoise Mélissa Von Vépy, de la compagnie Happés, prend dans son filet une métaphore des instabilités, des oscillations permanentes de l’en-deçà à l’au-delà, des acrobaties téméraires au terre-à-terre cadenassé, de l’espoir volatil aux lois de bronze, ce « mouvement alternatif de l’appétit au dégoût, et du dégoût à l’appétit », comme le chantait Gainsbourg lorgnant sur le hip-hop en relisant Bossuet.
Une humanité en suspens, tentant d’instiller du suspense dans son destin, de prendre une tangente atmosphérique pour contrecarrer l’impasse ; le jeu versus le découragement, duel sans cesse réitéré, pâte philo modelée par ce spectacle, joué au Carré de Saint-Médard, code postal 33160, auquel Nova Bordeaux vous offre des billets. Ils s’obtiennent, à tire-d’aile, ici-même, avec le mot de passe Nova Aime.
Les Flyings, de Mélissa Von Vépy, le mardi 15 mars à 20h30 @ Carré-Colonnes (Saint-Médard-en-Jalles)