La chronique de Thomas Zribi dans Plus Près De Toi.
Toutes les semaines, Thomas Zribi fait sa chronique dans Plus Près De Toi. Aujourd’hui, il évoque ces humoristes français, accusés de plagier, largement, leurs homologues américains…
Aujourd’hui, je voudrais vous parler du scandale qui a frappé le petit monde des humoristes français cette semaine.
Oui, l’ensemble de cette affaire a un parfum de scandale : un homme, qui veut rester anonyme, il veut qu’on l’appelle Ben, a mis en ligne une vidéo, puis deux, puis trois, dans lesquelles il dénonce la grande supercherie, dit-il.
Des humoristes français auraient volé des blagues à des humoristes américains célèbres comme Jerry Seinfeld, ou David Chapelle.
Il accuse les plus grands noms du stand up de chez nous : Jamel Debbouze, Gad Elmaleh, Tomer Sisley, Arthur, l’animateur télé qui avait fait des spectacles à une époque, et bien d’autres, en montant côte à côte les répliques des uns, français, puis des autres, américains.
Parfois c’est l’idée d’une blague qui est reprise mais elle est réécrite à la sauce de l’humoriste.
Parfois c’est vrai que ça ressemble énormément.
La première information qu’on doit retirer de cette histoire, c’est que l’auteur de ces vidéos, Ben donc, a lui-même plagié un article de VSD de 2009, qui dénonçait exactement les mêmes humoristes, avec exactement les mêmes exemples.
La deuxième info, plus importante sans doute, c’est qu’effectivement, c’est une tradition, semble-t-il, chez certains adeptes du stand-up français, de piquer des vannes aux américains.
Le stand-up, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une manière de faire des spectacles comiques à l’américaine : on cherche les rires toutes les 20 secondes, et surtout on raconte des blagues à la première personne.
« Ce matin j’étais dans ma cuisine avec ma femme, et là devinez ce qui m’est arrivé etc… »
Le truc donc, c’est qu’il y a des chances que l’humoriste n’ait ni femme ni cuisine, ou que la femme et la cuisine en question soient celles d’un comédien américain des années 80.
Je précise que tout le monde ne le fait pas, on pourrait faire un montage beaucoup plus long de ceux qui ont inventé leurs blagues tout seuls.
Mais tout de même c’est devenu normal pour certains d’aller se servir outre-Atlantique, au point qu’on m’a raconté hier qu’au moment du spectacle de l’humoriste américain Louis CK à l’Olympia l’année dernière, il y avait une blague qui circulait dans le milieu du stand up : viens voir son spectacle, tu verras toutes les vannes des humoristes français des 5 prochaines années.
Alors on peut se demander plusieurs choses.
Tout d’abord pourquoi on vole aux Américains ?
– Parce qu’ils sont drôles, sans doute, mais aussi parce que pendant longtemps ça ne se voyait pas.
Dans les années 80 et 90, bien avant la mode du stand up en France, certains humoristes déjà et aussi certaines émissions de télé se sont beaucoup inspirées, voire un peu plus, de ce qui se passait aux États-Unis.
Mais vu qu’il n’y avait pas encore Internet, c’était réservé à seulement quelques-uns qui pouvaient aller voir ce qui se passait là-bas. Et surtout c’était très peu probable de se faire attraper ici.
C’est la différence avec aujourd’hui : tout le monde a accès aux sketches américains sur Internet, mais c’est beaucoup plus risqué de s’en inspirer.
Cela amène à la question suivante : en matière d’humour, où s’arrête l’inspiration et où commence le vol ?
Michel Leeb par exemple, a été accusé à une époque d’avoir piqué pas mal de blagues à l’humoriste anglais Danny Kaye. Il a affirmé que c’était un hommage.
Arthur l’animateur télé a répondu en gros la même chose quand on lui a fait remarquer que l’une de ses émissions ressemblait vraiment beaucoup à un late show américain.
Un hommage qui peut être très énervant pour certains.
Les quelques humoristes qui ont eu la gentillesse de me parler hier, m’ont expliqué qu’il n’était pas rare, lorsqu’ils passaient une soirée avec des collègues, de retrouver des blagues à eux dans le spectacle du copain quelques mois plus tard. Et donc qu’ils faisaient très attention à ne pas être trop drôles lors de ces soirées. On imagine l’ambiance. Plein d’humoristes qui font attention : surtout ne pas dire de trucs marrants, surtout ne pas dire de trucs marrants, ou alors des trucs que j’ai déjà déposés.
Mais quand ça se passe en dehors des cercles de comédiens, peut-on vraiment considérer qu’il s’agit de vol ?
Coluche, par exemple, habitué des grandes tablées pleines d’alcool et d’amis, qui l’ont forcément beaucoup inspiré, disait : « si je devais citer sur l’affiche de mon spectacle tous les mecs que j’ai pompés, il n’y aurait plus de place pour mettre mon nom ».
À l’époque personne n’a pensé à lui reprocher.
Dans cette affaire ça pourrait être un peu différent, car si les Américains sont réputés pour leurs humoristes, ils le sont aussi pour leurs avocats.