Les chroniques d’Uzbek & Rica : #21.
Après les doutes et les polémiques, les Jeux Olympiques de Sotchi ont bien lieu. Les Autrichiens remportent les compétitions de ski, les Français finissent 19ème, on voit Gérard Holtz et Nelson Montfort à la télé… A part les journalistes qui se plaignent de ne pas avoir d’eau ou d’électricité dans leur chambre d’hôtel, finalement, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes « poutinien » possible !
Sauf que les JO de Sotchi, c’est aussi : 40 000 policiers et militaires déployés, 500 caméras de surveillance, des missiles de défense antiaérienne, une surveillance des communications téléphoniques et électroniques, des drones qui survolent la zone en permanence, 36 milliards d’euros de budget (dont 20 à 60% seraient partis dans la corruption), des expropriations à la pelle, des dégâts écologiques considérables, sans parler des opposants condamnés au silence… Oui, les JO ont bien lieu, mais à quel prix ? Et les mêmes questions vont se poser lors des tous les grands événements sportifs à venir : Coupe du Monde Brésil en 2014, JO d’été de Rio en 2016 et de Tokyo en 2020, JO d’hiver à Pyeongchang en Corée du Sud en 2018, et bien sûr Coupe du monde au Qatar en 2022 (150 milliards d’euros de dépenses prévues)…
À chaque fois, ce sera la même chose : des projets pharaonniques décidés au forceps par un consortium de dirigeants corrompus avec la complicité de la FIFA ou du CIO. Jadis, on pouvait encore se le permettre sans tenir compte réellement des conséquences en termes de démocratie, d’environnement et d’impact social négatif. Le concept de « grand messe sportive » (le foot, les JO, le Paris-Dakar, le Tour de France, les grands prix de Formule1), c’était un évenement rassembleur, certes très politique, mais globalement accepté parce que tout le monde y trouvait son compte : les pays hôtes, les sportifs eux-mêmes, et les sponsors. Les opposants à ce type de compétition étaient des pisse-froid qui n’aimaient pas le sport : ils signaient des tribunes confidentielles dans les journaux, et tout le monde s’en foutait. Dans son ensemble, le « peuple » était d’accord pour se divertir, quitte à fermer les yeux sur deux ou trois irrégularités.
On retrouve le goût du bricolage, voire l’esprit potache qui nous fait aimer un match de curling en pleine nuit sur Eurosport
Aujourd’hui, c’est de plus en plus compliqué de faire avaler toutes les couleuvres aux populations, comme ce sera le cas cet été au Brésil. Même quand on est, comme moi, un passionné de foot, on ne peut pas s’empêcher d’aprouver les Brésiliens qui ne comprennent pas comment on peut dépenser autant d’argent là-dedans au lieu de le mettre dans l’éducation. Et demain ? Eh bien demain c’est simple : soit le sport tombe du côté où il penche : personne ne freine le gigantisme et les pulsions de corruption des vieux messieurs qui organisent ce genre de compétitions, et dans ce cas-là les grands moment de fraternité qu’il est presque le seul à offrir ne seront plus que des happening kitschs et aseptisés pour nouveaux riches (à l’image de la piste de ski en plein désert à Dubaï). Soit on organise des compétitions sportives planétaires à visage humain. On retrouve le goût du bricolage, voire l’esprit potache qui nous fait aimer un match de curling en pleine nuit sur Eurosport.
Il n’est pas question d’appeler au boycott ou de réclamer que les JO se passent uniquement dans des démocraties occidentales. Le monde a changé et c’est normal que les pays dits émergents aient droit à leur part du gâteau. En fait, ce n’est pas grave que les journalistes n’aient pas d’eau ou d’électricité dans leur chambre d’hôtel, c’est même cocasse. Mais ce qui serait bien, c’est que le stade de curling ne soit pas construit sur un charnier où sont morts des ouvriers tchétchènes, tout ça pour qu’il soit fini à temps (c’est une image, bien sûr !).
À part ça, et je suis sérieux, vive le sport, et vive Gérard Holtz.
Image à la une : cérémonie d’ouverture des JO de Pékin en 2008 © FMPRC
L’article est paru, à l’origine, sur le blog d’Usbek&Rica.