Quels sont les classiques qu’il faut avoir lu pour briller ?
Il y a certains livres qu’il faut avoir lu – des classiques qui nous suivent depuis l’école, que l’on sait être « géniaux » et « brillants », ou même « fondamentaux dans l’histoire littéraire ». Oui mais voilà, en quatrième, on avait autre chose à faire que de terminer Thérèse Raquin et puis l’été où l’on avait pris l’Ulysse de James Joyce sur la plage, finalement c’était plus marrant de faire une thèque.
Mais plutôt que d’avouer nos petites faiblesses, et assumer un franc et massif « non je n’ai jamais lu Racine », on est beaucoup à préférer mentir et dissimuler nos petites incultures. Du coup on bluffe et on tente le tout pour le tout. Par exemple, quand quelqu’un nous parle de 1984 de George Orwell, on brode. Dans le fond on connaît déjà un peu l’histoire (le Big Brother, tout ça), et en général ça passe tant que notre interlocuteur ne pousse pas la discussion trop loin.
Et bizarrement, les livres qui nous sont tombés des mains en ont épuisé d’autres. On peut donc établir un classement non pas des « 100 livres qu’il faut avoir lus » mais des « 100 livres que l’on fait semblant d’avoir lus » – ce qui revient sûrement plus ou moins au même.
Et un site anglais a eu la bonne idée de demander à ses lecteurs de faire un classement. De l’autre côté de la Manche, il est socialement cool et culturellement classe de faire semblant d’avoir lu :
- Orgueils et Préjugés de Jane Austen
- Ulysse de James Joyce
- Moby Dick d’Herman Melville
- Guerre et Paix de Tolstoï
- La Bible
- 1984 de George Orwell
- Le Seigneur des Anneaux par J.R.R. Tolkien
- Gatsby le Magnifique de Fitzgerald
- Anna Karenine de Tolstoï
- L’Attrape-Coeurs de J.D. Salinger
- Infinite Jest de David Foster Wallace
- Catch 22 de Joseph Heller
- Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee
- 50 nuances de Grey de E.L. James
- Jane Eyre de Charlotte Brontë
- Crime et Châtiment de Dostoïevski
- Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë
- Les Grandes Espérances de Charles Dickens
- Harry Potter de J.K. Rowling
- Le conte de deux cités de Dickens
Si on veut établir un équivalent français, on peut miser sur quelques auteurs. Les gros classiques d’abord : Racine, Corneille ou Molière – on sait de quoi ça parle, mais difficile de se rappeler avec précision des intrigues. Voltaire, Rousseau ? Les Lumières. Sinon il y a le grand méchant Sade, dont tout le monde discute la morale, sans avoir réussi à passer la page 12 de Justine. Balzac et Zola : la critique sociale, c’est ça ?
Les poètes ensuite : Rimbaud c’est superbe, Baudelaire c’est moderne et Francis Ponge c’est absurde, oui mais voilà, à part « Demain dès l’Aube » on a du mal à réciter quoi que ce soit. Ah si peut être « La Chanson d’Automne », mais ça c’est grâce à Gainsbourg.
Pour ce qui est du vingtième siècle, c’est un vivier à mensonges : Proust et sa Recherche en a épuisé plus d’un, Sartre nous a filé la Nausée, le Nouveau Roman est franchement indigeste et du coup, on n’est jamais venu à bout d’aucun de ces ouvrages. Mais il est d’usage de dire que si – et que c’est vraiment superbe !
Et la philosophie : Nietzsche, Freud, Hegel ou Kant ? Sans doute la définition de ce que les gens font semblant d’avoir lu. En revanche pour discuter de l’amoralité nietzschéenne et des complexes psychanalytiques, ça se bouscule.