Un splendide coup de rétro sur la jeunesse des années cold wave rappelle que le futur, c’est aussi une question de passé.
C’était comment, le début des années 80 ? Pas forcément aussi bien que la patine du temps à inscrit les années Mitterrand dans l’histoire. Avoir dix-huit ou vingt ans dans un petit bled de province, à cette époque, c’était souvent synonyme d’ennui, entre la liberté limitée à un tour en mobylette et la menace du service militaire. Mais surtout la crainte de passer à côté de quelque chose qui était en train de se passer, un changement d’époque.
L’écho s’en faisait par la bande-son du monde extérieur, principalement anglaise. Une transition entre la fin des années punk et le début de celles cold wave. Avoir vingt ans au début des années 80, c’est se rendre compte que l’euphorie de Mai 68 est déjà sous tranquillisant, sentir que Mai 81 était en fait une arnaque, qu’après son vent de liberté, la camisole de la rigueur s’annonçait déjà.
Les Magnétiques témoigne remarquablement de cette charnière. Le film de Vincent Maël Cardona s’attache à Philippe, jeune homme qui vit et attend dans cette France rurale où il ne se passe rien, que justement il se passe quelque chose. Pour son père garagiste, c’est déjà trop tard, son frère aîné, lui a encore un tigre dans le moteur, mais commence à s’enrouer.
La soif de vie de Philippe, elle, rugit dans le micro d’une radio pirate bricolée dans la grange familiale. À l’époque, on parle de radios libres, elles ne le seront plus longtemps, bientôt dévorées par des nécessités industrielles ou commerciale. Les Magnétiques se glisse dans cette parenthèse plus désenchantée qu’on le croit. Cardona rétablit cette vérité avec un film qui rend la parole à la jeunesse d’alors, celle qui espérait qu’il y avait encore quelque chose à faire de sa vie.
Un vrai film “no future” ?
C’est ce qui en fait la splendeur d’un film qui constate que ces années 80 ont été la matrice d’un aujourd’hui socialement et politiquement bouché. Tout était déjà là, des inquiétudes écologiques aux statistiques d’un chômage de masse en passant par une pensée libérale déjà à l’œuvre.
Mais Les Magnétiques réincarne justement le véritable esprit No future en tombant pas dans la caricature du nihilisme, mais se refusant à une nostalgie, en insistant sur le principe de vivre tant que possible l’instant présent, de rester en colère contre les carcans. Ça peut être en montant le son, que ce soit celui d’une BO, impeccable compile d’époque alignant entre autres les danses métalliques de Joy Division et Front 242, mais aussi le lyrisme d’une variété symphonique avec le fameux Premier pas de Claude Michel Schönberg ou avec les extraordinaires séquences autour des créations sonores de Philippe.
Avec elles, Les Magnétiques ravive le langage pulsionnel, l’imaginaire ultra-créatif de cette génération, mais plus encore le feu intérieur qui anime ce jeune homme en apprentissage de la vie. Ses lueurs sont bien plus qu’une capsule temporelle, quand elles appellent à rallumer cette flamme dans l’époque actuelle, à l’image d’un des morceaux de la BO, le “Teenage Kicks” des Undertones, qui comme ce film conjugue aussi parfaitement qu’éternellement rage et mélancolie.
En salles le 17 novembre.