Mais sont toutefois exposés à la galerie Arts Factory. Et vous en connaissez quelques-uns.
À l’origine de l’expo que propose actuellement la galerie Arts Factory Amandine Urruty – illustratrice parisienne et toulousaine spécialisée, depuis quelques années, dans le dessin en noir et blanc -, il y a The Party, le film de Blake Edwards, sorti en 1968, comédie hilarante et exigeante qui narre le parcours, burlesque, d’un acteur indien – Hrundi V. Bakshi – qui se retrouve dans une fête, particulièrement guindée, à laquelle il n’était initialement pas (du tout) convié. Devenu culte pour les cinéphiles, et pour beaucoup d’autres (le groupe Birdy Nam Nam, par exemple, tire son nom de l’une des scènes du film), The Party est notamment demeuré dans les mémoires grâce à l’interprétation de Peter Sellers – parfait en acteur indien attachant mais légèrement maladroit… -, mais aussi, grâce à celle de Claudine Longet, étoile filante du cinéma et de la variété française des années 60 – elle sort quelques albums de 1967 à 1972 – dont Amandine Urruty est, voilà le lien, une fan de toujours.
« J’ai toujours adoré cette actrice ! Mais elle a aussi un parcours étonnant : elle a quand même buté son amant en lui tirant dans le dos…Et elle n’a pris pour ça que trois jours de prison ! Tu te rends compte ? Son ex-mari était pété d’oseille, elle s’en est sorti grâce à ça ! Par contre elle s’est engagée à ne plus apparaître publiquement. Puis elle a disparu complètement des radars. » Derrière le regard de l’ange, immaculé et innocent : le monstre.
J’ai toujours été passionné par les freaks
Le monstre, justement, voilà l’une des grandes fascinations d’Amandine depuis bien longtemps. « J’ai toujours été passionnée par les freaks. Les bêtes de foire, l’homme-chien, la femme à trois pattes. J’arrive pas à m’expliquer pourquoi ça me fascine tant. Quoi que : mon père était médecin, et il avait le malheur de laisser trainer des bouquins infâmes quand j’étais petite. Il y en avait un notamment de dermatologie, avec les photos que tu imagines, et c’était un cauchemar ! Des pustules partout, des trucs horribles. Lui était film d’horreur aussi, du coup, je crois que le premier que j’ai vu, je devais avoir six ans…C’était dégoutant et fascinant à la fois ».
Parce que c’est son background à elle, Amandine intègre ainsi la figure du monstre dans son quotidien. Et, surtout depuis qu’elle a abandonné il y a une dizaine d’années son doctorat, qu’elle couplait à l’époque avec un projet musical qui n’a pas évolué idéalement pour elle, elle en dessine sans arrêt, de ces personnages bizarres et lugubres, en s’inspirant surtout de la culture populaire horrifique. Ici, Pennywise, le clown qui a traumatisé plusieurs générations de jeunes enfants / adultes. Là, la figure toute poilue de King Kong. Et puis Satan, des squelettes animés, Frankenstein, et des personnages qui feraient dans d’autres contextes, mais qui là, inquiètent tout autant que les autres « méchants de l’histoire » (des enfants bizarres, des Magic Trolls, des poupées aux drôles de gueules, ou même les insupportables Furbies…)
Chez Arts Factory, Amandine : « Le film d’horreur me fait pas peur, il ne m’empêchera jamais de dormir ! Après faut être honnête : c’est certain qu’il y a un truc un peu macabre dans mon travail, même si j’ai toujours essayé de trouver un intervalle entre quelque chose de crade et d’inquiétant et quelque chose de plus heureux. Je passe ma journée à dessiner en écoutant des séries sur des serials killers, c’est encore hyper monomaniaque. J’écoute tout ce que je peux trouver sur internet. Toutes les émissions, je suis abonnée au Nouveau Détective… C’est grave ! »
Le dessin ? Un antidote à l’ennui
Et cette fille-là, trentenaire cool et franchement sympa, pourquoi est-ce qu’elle dessine ? « Parce que je m’ennuie ! Au départ c’était un antidote à l’ennui rural. Et puis maintenant je n’arrête plus : j’ai pas de week-end, pas de vacances, ces dernières années y a toujours eu un moment où il fallait faire un dessin, pour une expo ou autre chose. Le dessin remplit vraiment ma vie de manière dingue ! » Et n’est-ce pas quand même un genre de thérapie, ces séries qui ne s’arrêtent jamais et dans lesquelles les moindres espaces se trouvent comblés par des monstres et des figures carnavalesques ?
« En fait, je fais ça pour essayer de transcrire ma vision des choses. C’est une histoire de paysage mental. En réalité, ces figures de la culture populaire que je mets dans mes dessins ne sont pas centrales, ce sont des détails. Le truc qui est central ça va être le truc du moment que je vais vouloir exprimer dans mon dessin. Y a souvent des fantômes qui reviennent. Y a un rapport à la mort qui est évident, comme tu t’en doutes. Mais l’idée est aussi de dédramatiser les choses. Je veux que ça soit ouvert à l’interprétation, j’suis pas là pour balancer mes névroses. »
Amandine se représente également parfois dans ses dessins, entourée d’une foule, peu souriante et dessinée en noir et blanc, qui semble tout autant provenir de son environnement mémoriel que d’un imaginaire collectif largement réapproprié. C’est que l’on se sent parfois davantage en sécurité, en fonction des parcours de chacun, au milieu de ses propres monstres, plutôt qu’au milieu des autres, monstrueux eux aussi.
Amandine Urruty. The Party. À voir à la Galerie Arts Factory jusqu’au 28 avril 2018. 27, rue de Charonne, 75011 Paris, Métro Ledru-Rollin ou Bastille. Du lundi au samedi : 12h30-19h30.
Visuel en Une : (c) amandine urruty – portrait© tomtom photography