L’hôpital, la charité, et la honte internationale.
Le 3 juillet, les ministres de l’intérieur français, allemand et italien se sont réunis pour partager leurs bonnes idées en matière d’accueil des populations migrantes. De ce brainstorming intense est notamment ressorti l’idée d’imposer un « code de conduite » aux ONG qui sauvent les embarcations en Méditerranée.
La veille de cette réunion, le ministre de l’intérieur italien avait appelé les pays européens à ouvrir leurs ports pour accueillir les flux migratoires, comme le fait l’Italie, qui subit « une énorme pression ». En réponse, l’Europe a décidé de garder la tête dans le sable et de suivre la ligne directrice qu’elle s’était fixée, en « endiguant les flux migratoires irréguliers ».
Selon ces nouvelles mesures qui attendent la validation des 28 membres de l’UE, la France va donc, au lieu d’ouvrir les ports, offrir plus d’aides matérielles et financières à la Libye, pour qu’elle garde les populations migrantes sur son territoire. Pour éviter, comme aime à le dire Gérard Collomb, « un appel d’air« .
« C’est l’UE qui a besoin d’un code de bonne conduite »
Les trois ministres de l’intérieur proposent aussi la création d’un code de conduite pour les ONG. Autant dire que celles-ci n’ont pas beaucoup apprécié la nouvelle. Dans le Courrier International, plusieurs d’entre elles ont dénoncé l’inaction de l’Europe, et le fait que les ministres semblent se tromper de cible.
En effet, comme le rappelle le Courrier, les bateaux de sauvetages privés, appartenant aux associations, ont un rôle de plus en plus important. Jusqu’à une douzaine d’entre eux patrouillent au large de la Libye et « selon les gardes-côtes italiens, ils ont réalisé 26% des opérations de secours en 2016 et 35% cette année, aux côtés de navires italiens, européens et commerciaux. »
« Il y a déjà un code de conduite en place, cela s’appelle le droit maritime international », déclare à l’AFP Ruben Neugebauer, porte-parole de l’ONG allemande Sea-Watch. « C’est de la poudre aux yeux », réplique Loris De Filippi, président de MSF-Italie. « Pour ne pas affronter le problème réel : c’est l’UE qui devrait procéder aux secours en mer, pas les ONG. Si l’on oblige les ONG à se retirer, il y aura plus de morts, plus de drames. Si c’est cela qu’ils veulent, il faut avoir l’honnêteté de le dire ».
Les gardes-côtes italiens et les ONG coordonnent leurs actions, leurs communications, pour tenter d’être les plus efficaces possible, alors que l’Europe leur tourne le dos. « C’est l’UE qui a besoin d’un code de bonne conduite », a déclaré Oscar Camps, responsable de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, sur son compte Twitter.
Les premières fuites sur ce code de conduite dans les médias italiens interdiraient aux ONG de s’approcher des eaux libyennes et de communiquer avec les passeurs. Tout en exigeant la présence d’un policier à bord des bateaux de sauvetage. Autant dire que cela ne risque pas de faciliter le travail des ONG qui portent déjà à bout de bras la crise humanitaire. En 2016, plus de 5 000 personnes sont mortes lors de ces périples en Méditerranée.