Punk Girl Power.
Qui se souvient des Slits ? Et de la pochette de leur album Cut où elles se tiennent nues, couvertes de boue, échevelées et finalement natures…
Cet invraisemblable groupe de filles, issues du Punk, a une carrière aussi hirsute que l’allure de ses membres, présentant les mêmes dents de scie que l’époque : car on oublie que 77 fut l’année du Punk, mais aussi du Disco, du Reggae, du Funk, du Latino, sans oublier la World avec en prime des effluves de Jazz…
Bousculade au portillon des « charts », bagarres de « hits « , mais aussi une course au positionnement, à l’image, au quand dira-t-on sur les frasques de ces musiciens débridés, jouant fort et vite sans avoir appris le solfège.
Vers 1976, quatre anglaises se retrouvent réunies en un groupe qui deviendra vite les Slits (fentes), se voulant le pendant féminin des Pistols.
Sur leur berceau se penchent quelques fées : La mère de l’une d’entre elles, Nora Forster, pro du Rock ( et future madame Rotten ), puis Mick Jones (des Clash), Keith Levene (futur PIL), Don Letts ( DJ du Roxy), Vivien Goldman ( auteure au NME puis Actuel), ou encore Denis Bovell ( producteur jamaïcain) etc.
Beaucoup de monde autour de ce qui va devenir un groupe expérimental, provocateur, Punk à bannière féministe hippy ( ancêtre du Girl power), une sorte d’outsider face à Siouxsie ( and the Banshees) ou à Blondie (Debbie Harry), et dont la géométrie variable va faire des étincelles.
Finalement ce sera en 77 : Palmolive, Ari Up, Viv Albertine et Tessa Pollitt, des pseudos bizarrement stylés ( dans l’esprit de Poly Styrene du groupe X-Ray Spex, même époque), et donc quatre filles délurées, assez agitées pour ne pas dire intenables, qui vont commencer à tourner. Galères, bagarres et valse de maisons de disques puis même de musiciens.
Ainsi Don Cherry et sa fille Neneh, se joindront à certaines périodes, ainsi que des garçons attirés par ce gynécée speedé. Bien sûr l’avant-gardisme n’est pas vraiment commercial, le showbiz est plein de pièges et ces garçonnes ne jouent pas la corde sexy, ni fashion (elles sont au-delà !)
Par exemple Palmolive est une batteuse sur-énergique, issue du groupe mythique « Flowers of Romance » où elle frappait en compagnie de Sid Vicious, Viv Albertine et les fiancées de Steve Jones et Paul Cook (des Pistols ) : Jo Faull et Sarah Hall.
Elles sont au cœur du cyclone Punk, fans de théâtre, de voyage, de Jazz ou de musiques primitives, de shamanisme ou de révolution, vivant en Squats, expérimentant dans leur vie toutes ces directions, dans un nuage de Reggae et de spliffs… Bien plus tard, j’ai rencontré Ari Up, dans un dancehall à Kingston en Jamaïque, avec des dreads énormes, gesticulant dans la foule, vêtue d’une mini et d’une brassière assorties rouge vert jaune, danseuse typique de l’époque slackness…et respectée par la faune impossible du Stonelove sound system.
Les Slits vont vivre à 100 à l’heure, secouées par les modes, réussissant quatre albums, bataillant avec le chauvinisme mâle, ou Anglais, ou show biz, ou même social…trop de combats pour quatre filles typiques de l’époque ( « Typical Girls », un de leurs hymnes), mais vont surtout marquer d’une pierre rouge le Rock féminin, avec un style relâché et nerveux à la fois, dissonant et frais, ambitieux et ouvert au monde.
Il y aura des enfants, des pauses repos, des dispersions et même des come-back reformations dans les années 2000 (Ari est décédée en 2010…)
Il vaut mieux avoir entendu les Slits dans sa vie, faute de les avoir vu. Elles ont marqué le Rock féminin, et continuent de faire des émules , en mémoire de leur éthique large, libre, irrespectueuse, anti cliché, et qui serait toujours en avance aujourd’hui.
L’histoire des Slits. Typical Girls ?, de Zoë Howe. Rytrut Editions. 320 pages. 21 euros. (illustré de photos noir et blanc).
Visuel d’ouverture : The Slits at the Electric Circus (Manchester-1977) © Kevin Cummins / Getty
Couverture du livre : © Pennie Smith