Jonathan Ward prend la direction du Caucase et de l’Anatolie, afin d’interroger des enregistrements réalisés au début du XXe siècle.
Dans BAM BAM, le focus du jour concerne le digging de haute volée, cet art qui consiste à partir à la recherche d’artistes oubliés, de morceaux rares, de disques dont on n’a pas entendus parler depuis un bail. Si le digging s’est largement démocratisé depuis l’arrivée d’internet, certains collectionneurs et chercheurs restent tout de même des pionniers de haut niveau en la matière. C’est notamment le cas de Jonathan Ward – l’homme derrière le blog Excavated Shellac – un fanatique de musiques passionné par les enregistrements des quatre coins du monde et collectionneur devant l’éternel de 78 tours.
Jonathan Ward, il est aujourd’hui l’invité de Gallica (l’institution qui gère les fonds sonores de la Bibliothèque Nationale de France), qui lance une nouvelle série de billets consacrés à la valorisation de ses fonds sonores, méconnus quoique gigantesques. Pour ce premier épisode, il a choisi de prendre la direction du Caucase et de l’Anatolie, afin de dépoussiérer des enregistrements réalisés au début du XXe siècle – avant la Première Guerre Mondiale – à une époque où Tbilissi, l’actuelle capitale de la Géorgie, était une ville multiculturelle, et le fer de lance d’une certaine industrie musicale.
À Gallica, il dit : « Il y a quelque chose d’irrésistible dans les enregistrements anciens du Caucase. Un nombre étonnamment important de disques de musique locale a été fait dans la région entre 1902 et 1915 par plusieurs des grandes marques européennes de l’époque. Leurs campagnes d’enregistrement ont pris fin avec la Première Guerre mondiale et la Révolution Russe, ce qui donne encore plus de valeur aux disques qui ont survécu, surtout quand ils sont en bon état. Tbilisi, ville multiculturelle, était le centre de l’industrie de l’enregistrement dans le Caucase à l’ère du 78 tours. La Gramophone Company, qui a publié ce disque, a commencé à enregistrer dans la région en 1902. Elle a capté tout style de musique afin de toucher le plus grand nombre possible d’acheteurs pour ses gramophones et ses disques : des choeurs polyphoniques géorgiens, des musiciens de mugham azeris, des solistes de târ et d’instruments à vent locaux. De nos jours on entend du duduk, une flûte à anche double de la région, à la télévision ou au cinéma. Voici l’occasion d’écouter un morceau de duduk datant de mai 1909, enregistré par l’ingénieur du son de la Gramophone Company Franz Hampe au cours d’une longue expédition en Asie Centrale. Les archives concernant cette session d’enregistrement mentionne l’un des interprètes, Pavel Maisuradze. Ce disque a ensuite atterri dans les bacs d’un disquaire parisien de la rue des Batignolles, comme l’indique son étiquette ».
Grâce à Gallica et à Jonathan Ward, on découvre aussi une petite histoire des instruments à anche double, comme le zurna turque, on se balade à Istanbul en 1929, et on apprend, aussi, que les Kalmoukes sont les membres d’une minorité bouddhiste qui a enregistré beaucoup de 78 tours. C’est franchement fascinant, d’autant plus que c’est la première sélection d’une longue série annoncée. La BNF va donner accès à ses fonds inestimables à de nombreux collectionneurs qui nous permettront d’y jeter un oeil et une oreille.
Tous les sons sont à écouter par ici.
BAM BAM, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Visuel (c) Gallica