Jeux de miroir, de symétrie et de dédoublement en images.
Un palindrome est à l’origine une figure de style, qui consiste en l’écriture d’un texte que l’on peut lire de gauche à droite ou de droite à gauche sans que le sens ne soit altéré. Exemple typique, « Ésope reste ici et se repose » et, illustration plus atypique, le palindrome de l’écrivain expérimentateur Georges Perec. Long de 1247 mots, il commence comme cela « Trace l’inégal palindrome. Neige. Bagatelle, dira Hercule. Le brut repentir, cet écrit né Perec. L’arc lu pèse trop, lis à vice-versa » et se termine quelques centaines de lignes plus tard : « Désire ce trépas rêvé: Ci va ! S’il porte, sépulcral, ce repentir, cet écrit ne perturbe le lucre: Haridelle, ta gabegie ne mord ni la plage ni l’écart. »
Mais le palindrome n’est pas réservé à la littérature – et cet exercice de style a inspiré notamment des vidéastes. C’est d’ailleurs en découvrant le projet de fin d’études d’un étudiant en art que l’idée est venue de rechercher ce que cette rigueur de pensée et de construction avait inspiré.
Jouant sur la symétrie visuelle et audio, sur des jeux de miroir, Yann Pineill explore le palindrome – et la particularité de ce travail est justement de prouver qu’en utilisant les mêmes matériaux, on peut justement donner un sens nouveau à certaines images. Les images vont donc plus loin que le palindrome à proprement parler et la seconde partie, qui fonctionne comme un miroir de ce que nous avons déjà vu, est un prolongement de l’histoire même.
Or cette possibilité technique en a inspiré d’autres. Michel Gondry, par exemple, le réalisateur génial qui s’est également illustré avec ses clips non moins géniaux. Ainsi dans le clip « Sugar Water » – qui est un titre de Cibo Matto, le réalisateur se sert d’un écran scindé (on parle de split screen) et propose une même histoire dotée de deux sens de lecture. Il faut presque le regarder deux fois pour bien comprendre comment le cinéaste s’y est pris.
Et puis on ne peut pas terminer cette petite revue sans parler du sketch barré des Nuls. Comme un trip sous LSD, ils jouent l’intégralité de leur sketch à l’envers, avant de diffuser celui-ci à l’envers. Et si vous nous suivez toujours, à l’envers mis à l’envers, cela donne à l’endroit. Bref, c’est absolument génial, innovant et drôle.