Avoir son patron dans la poche, littéralement.
Une enquête du New York Times parue le 2 avril dernier décortique les techniques de management d’Uber et c’est un peu flippant. Après de nombreuses révélations sur le fonctionnement du tentaculaire service de VTC, ces révélations finissent d’inquiéter totalement sur l’avenir de l’entreprise, si tant est qu’on pose Uber comme un prescripteur.
Les équipes de management d’Uber utilisent des techniques de marketing pour gérer leurs chauffeurs. Des chauffeurs qui sont travailleurs indépendants et ne rencontrent jamais leur hiérarchie. Le « management » dont il est question est donc uniquement virtuel, et réalisé via l’application.
Expérience comportementale
« Alors qu’Uber se vante de vouloir traiter ses chauffeurs avec plus d’humanité, l’entreprise est engagée dans une extraordinaire expérience comportementale, hors de toute recherche scientifique, en les manipulant pour faire grossir les profits. » Car c’est bien ce dont il s’agit. Des techniques de marketing, élaborées pour fidéliser les clients, appliquée par des patrons à leurs employés.
« L’entreprise est engagée dans une extraordinaire expérience comportementale, hors de toute recherche scientifique »
«Le statut indépendant permet à l’entreprise de réduire les coûts, mais l’empêche d’obliger ses employés à venir au travail », analyse Noam Scheiber, le journaliste à l’origine de l’enquête. Il faut donc, purement et simplement, les y rendre accros. Pour ça, Uber emploie des centaines de spécialistes de la data et des phénomènes sociaux.
Le résultat : des techniques qui poussent à la surconsommation, non pas de produits, mais de travail. Par exemple, dès qu’ils veulent quitter l’application, Uber alerte les chauffeurs qu’ils ne sont pas loin d’un certain montant, et qu’en restant un peu plus longtemps, ils pourraient augmenter leurs bénéfices.
Sachant que la rémunération des chauffeurs a largement baissé depuis les débuts de l’application en 2009, Uber profite du besoin d’argent de ses employés, pourtant censés être libérés des injonctions au travail. L’appât du gain est renforcé par un algorithme, similaire à celui de Netflix selon le New York Times, qui charge automatiquement la prochaine course, avant même la fin de la précédente.
Capitalisme augmenté
Cela pousse des chauffeurs à conduire parfois pendant plus de douze heures, sans qu’aucune obligation ne soit clairement faite par leur employeur. Leur propre téléphone, par le biais de leur inconscient, les oblige à rester au volant.
L’argument d’Uber, évidemment, est celui du « Ils peuvent arrêter quand ils veulent, en tapant simplement sur une touche », selon les mots d’un de leur porte-parole, cité par le Times. Mais qui arrive aussi facilement à se détacher d’un écran, surtout lorsqu’il paye les factures ? L’entreprise se repose sur le pouvoir de la technologie, et pour l’instant, le système a fait ses preuves… Ou presque.
Le 1er mars dernier, une vidéo immortalisait le CEO d’Uber, Travis Kalanick, en train de se prendre largement la tête avec son chauffeur (Uber, évidemment) qui lui reprochait la baisse des salaires. Les inconvénients de l’interaction humaine, sans doute.