Comment la C.I.A se sert de la musique et des décibels pour torturer ses prisonniers.
La C.I.A n’en est plus à un scandale près. Depuis le 11 septembre, le Patriot Act et ses lois anti-terroristes, l’agence de renseignements américaine est notamment accusée de s’être servie de la torture pour obtenir des informations auprès des prisonniers. John Brennan, directeur de l’agence, a lui même reconnu avoir permis à ses agents d’utiliser « des méthodes répugnantes ». Parmi celles-ci, on sait désormais que le bruit et la musique ont été utilisés comme des armes de coercitions psychologiques.
Il est avéré depuis longtemps que l’exposition continue à un même signal auditif, verbal ou non, sert à neutraliser toute force de réflexion. Et que cette méthode de torture a été généralisée et perfectionnée depuis 2001. La musicologue Suzanne G. Cusick, qui travaille sur la violence acoustique dans nos guerres contemporaines, signale que dans les années 70 la Grande-Bretagne avait déjà été condamnée pour son utilisation d’armes sonores pour déstabiliser les prisonniers irlandais. Pourtant il n’existe toujours aucune législation en vigueur, ce qui permettrait de comprendre et de prouver que la musique et le bruit sont des armes.
Dans le rapport sorti il y a quelques jours, qui décrit les méthodes précises dont se sert la C.I.A, on apprend que les détenus de Camp Crooper (Baghdad), Camp Romeo (Cuba), Camp Nama (Baghdad) et à Guantanamo ont été exposés à de telles tortures auditives – tant lors des interrogatoires qu’au sein de leur cellule.
Certains anciens prisonniers ont pu décrire cette surexposition qui consiste en l’utilisation de bruits sourds diffusés à un volume d’environ 82 décibels et qui ne sont interrompus que 7 secondes toutes les 45 minutes. Mais parfois, l’armée américaine se sert de morceaux de musique joués en boucle, 24h sur 24, pour torturer ses détenus. Et elle ne se contente pas de choisir des morceaux communément considérés comme insupportables : la perversité de ces méthodes va plus loin. Les morceaux sont ainsi choisis en fonction, notamment, de leur structure et de leur aspect naturellement répétitif. Ainsi le hip hop, qui se sert de boucles, est diffusé dans les hauts parleurs des camps de prisonniers : 2Pac, Dre ou Eminem figurent donc dans la playlist de la C.I.A.
Mais le site Motherboard révèle également les goûts éclectiques de l’agence à la matière : les grands classiques tels que « Born in The Usa » de Bruce Springsteen, « We are the champions » de Queen ou Aerosmith font partie des morceaux utilisés, aux côtés de titres naturellement agaçants du Dirty aguilérien à Britney Spears. Pour en savoir davantage, ce site référencie les 11 titres qui auraient été les plus fréquemment utilisés par la C.I.A.
En attendant, cette méthode n’est évidemment qu’un aspect de la torture utilisée par les Etats-Unis. Mais les témoignages d’anciens détenus exposés à de telles sévices doivent nous faire prendre conscience qu’il est temps de considérer que chaque note utilisée dans ce cadre là devient un coup porté qui empêche de réfléchir, de penser. Bref, que la musique et le bruit déshumanisent le prisonnier – et qu’ils doivent être reconnus comme tels.