Forcément, ce sera particulier – comme tout évènement culturel depuis un an, et même davantage. Pour sa 19e édition, l’Escale du Livre ne pourra ancrer ses pavillons et ses barnums dans le quartier Sainte-Croix. Mais pas question, non plus, de garder les couvertures closes, de laisser la poussière l’emporter. Alors, direction la toile, le réseau. « Connecte-toi toi-même », comme disait à peu près le penseur, qui ne manquera pas de se fendre – comme vous, on l’espère – de quelques clics judicieux sur le mulot pour découvrir la programmation de ce rendez-vous des amoureux.ses des mille-feuilles (et on ne parle pas là de pâtisseries).
Mais tout ne sera pas sur écran, figurez-vous. Eh oui, cette Inédite édition se dissémine dans le centre-ville et dépêche auteurs et autrices dans les librairies bordelaises, pour une palanquée de rencontres et de dédicaces. Alors, qui pour venir gribouiller un autographe sur les pages de garde et tailler le bout de gras avec vous autres, fieffé.e.s lecteur.rice.s ? Chaussons nos lorgnons et examinons ça de plus près. À Krazy Kat ? Il y aura Cy, autrice de Radium Girls – le récit d’ouvrières des années 1920 empoisonnées par une radioactivité cachée – et Antoine Maillard, habitué du New-Yorker dont la première BD, L’Entaille, a subjugué par son climat lancinant entre Lynch et Daniel Clowes. À la Librairie Olympique ? On y croisera le romancier haïtien Néhémy Pierre-Dahomey, qui a dans ses pages de quoi faire déglutir de travers plus d’un.e napoléonien.ne non-averti.e.
À la Mauvaise Réputation ? Seront conviés Ovidie (ex-chroniqueuse sur Nova, dans « L’Heure de Pointe », souvenez-vous), Arthur Dreyfus, auteur d’un considérable (2300 pages !), cru et autobiographique Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui, Pierrick Bailly ou encore l’oulipienne Clémentine Mélois, experte ès détournements avec ses Six Fonctions du Langage. Et à la Machine à Lire ? Une jolie brochette d’auteurs là aussi, parmi lesquels Mazarine Pingeot, le dessinateur satirique Marc Large et la philosophe Barbara Stiegler, contemptrice avertie du néolibéralisme. Et on ne vous a même pas affranchi sur celles et ceux qui passeront la porte de Mollat, Comptines, Album ou Rêves de Mots …
Un autre volet qu’il convient d’ouvrir, et en grand, pour mieux illuminer vos fenêtres numériques, c’est la flopée de spectacles et de créations originales que l’Escale du Livre retransmettra en direct depuis le TNBA. Lettres, musiques, dessins entrecroiseront leurs territoires pour mieux s’entendre à l’autre bout de la ligne (qu’elle soit mélodique, de texte ou de dessin). Parmi ces mises en scène, on peut évoquer la lecture du taraudant Chavirer de Lola Lafon, par l’autrice elle-même ; le déploiement poétique et tridimensionnel d’Isolés en tant que motif, performance de la Cie Translation ; le S.N.O.W toutes amarres larguées de Christian Durieux (récent signataire d’un Spirou) et des figures de l’underground bordelais Robert & Mitchum ; Sine Die qui combine les croquis de François Ayroles et les mots d’Éric Chevillard, observateur décalé du monde via ses carnets « autofictifs ». Ou, pour les collégien.ne.s rêvant de tablées circulaires et d’aventures chevaleresques, le Lancelot Dulac de Victor Pouchet et Killofer.
Mais encore … Il y aura ce DJ-set dessiné qui ambiancera à merveille votre samedi soir, où Lucas Varela jouera du feutre tandis que Martial Solis et Hervé Bourhis rivaliseront de galettes 70s, groove funk, concision power-pop, modulations Moog et autres joyeusetés gravées dans la cire. Tout un univers de sons et d’images qui se déploiera autour du Labo, belle BD rétrofuturiste, relecture malicieuse des débuts de l’informatique, quelque part entre la Silicon Valley, le projet Cyclades et les Messages à Caractère Informatif.
Après tout ça, permettons-nous une affirmation à peu près certaine : si, au prochain réveillon, vous décrétez que 2021 annus horribilis, l’Escale du Livre n’y aura été pour rien ; tout au contraire. Point, à la ligne.
L’Escale du Livre, l’inédite édition, du 24 au 28 mars, en ligne via www.escaledulivre.com.