Tapez “potins” dans votre moteur de recherche, et il est à peu près garanti que vous tomberez sur plus de 80% de photos de femmes. De « Gossip Girl » à la dernière saison de « White Lotus », les commérages ont toujours été associés à la gent féminine… Pourtant, ils intéressent presque tout le monde. Ce hobby ancestral de l’humanité a même été l’objet de bien des recherches.
C’est une scène de la nouvelle saison de White Lotus qui a marqué une journaliste du Guardian. Rachael Healy s’attache aux commérages de trois amies d’enfance qui se retrouve dans cet hotêl de luxe en Thaïlande, mais dès que l’une quitte la pièce, les autres commèrent allègrement. Les gossips, les potins, les commérages sont un hobby inépuisable de l’humanité, nourrissent des scénarios délicieux et ont une histoire féministe fascinante.
Rachael Healy cite une flopée de podcasts américains extrêmement populaires basés sur ces “gossips”. Je pense aussi à ces « storytime », vidéos anecdotes d’internautes qui tournent sur les réseaux sociaux, entre potins, secrets, et histoires de tromperies ou de vengeance… Souvent de personnes que l’on ne connait même pas. Les commérages sont aussi au centre de la (très) populaire (et géniale) série des Chroniques des Bridgerton, dans laquelle une certaine Lady Whistledown publie anonymement les potins de la cour royale… Une sorte de Gossip Girl de l’époque des châteaux et des corsets étouffants.
Du « godsibb » au « gossip » : faire taire les femmes, ces commères
Le “gossip” remonte au Moyen Âge, lorsque le mot “godsibb” voulait dire « marraine » ou « parrain » en anglais ancien. Il a été ensuite utilisé pour désigner les accoucheuses, avant de devenir un mot pour définir les conversations entre femmes. C’est parti en cacahuète au moment des chasses aux sorcières. Vils sont les propos qui sortent de la bouche des femmes qui oseraient parler entre elles sans hommes ! Dès 1567, un instrument de torture surnommé le “gossip’s bridle” (“bride à gossipeuse”) fait son apparition en Écosse. L’idée, c’est de faire taire les femmes, par tous les moyens, et de diaboliser leur parole.
Le rôle des potins dans notre société : se protéger, savoir de qui se méfier
À l’époque, c’était clair : les femmes ne parlent pas, elles “gossip”… Parce que parler, c’est partager l’information, et partager l’information, c’est potentiellement agir. Le rôle des ragots et autres commérages, Kathryn Waddington en connait un rayon. D’après cette chercheuse en psychologie à l’université de Wesminster, dans ce contexte actuel de libération de la parole engendré par le mouvement #MeToo, les commérages ont encore le pouvoir d’éveiller les suspicions… et donc de protéger. Kathryn Waddington a aussi constaté que lorsque que les femmes utilisent volontiers le terme de “gossip”, les hommes interrogés préfèrent parler de “débrief d’après-réunion”, ou de “conversations de couloirs”. La chercheuse note bien que le commérage peut parfois basculer vers du harcèlement, qu’il existe un réel aspect négatif, d’où l’importance de différencier les « bons » des « mauvais » commérages. Au final, les potins sont à la fois un reflet de notre intérêt pour les autres et une manière de s’intégrer dans un groupe.