L’Art en ghetto.
Le musée du Quai Branly à Paris expose pour la première fois en France les artistes américains noirs qui ont fait partie de l’Art Moderne, dès les années 20, et même avant pour certains, à l’insu du reste du monde !
Ces individus isolés, le plus souvent à New-York, ont pourtant, avec les poètes, photographes, écrivains, journalistes, créés la « Harlem renaissance», un Âge d’or des noirs américains, aujourd’hui nommés « africains américains ».
Car la ségrégation envers les « gens de couleur » était si forte, que même les lynchages étaient courants, et le Ku Klux Klan, considéré comme une organisation reconnue. Billie Holiday chantait « Strange Fruit », en hommage funèbre aux noirs pendus aux arbres du Sud raciste…
Au célèbre Cotton Club de Harlem, les artistes (noirs évidemment) n’étaient pas admis comme clients ! Les Américains les moins racistes avaient pour ultime devise : « égaux, mais séparés ».
Même l’acte d’égalité des « Civil Rights » des années 60, ne changea que la loi, mais pas les mœurs ? Les assassinats des Kennedy (défenseur de la cause noire), et de Martin Luther King, de Malcolm X et de nombreux Black Panthers nous montrent la haine et la violence qui régnait.
Les musées connaissaient ces artistes (dont certains avaient eu du succès dès l’exposition Universelle de Paris en 1900), en achetaient un peu et ne les exposaient pas !
Car il y eut parmi eux des peintres classiques, naturalistes, symbolistes puis Art déco, des expressionnistes, des futuristes ou naïfs comme le douanier Rousseau, puis vint ceux qui firent du Pop Art, donc toute la gamme de l’Art, des gravures, dessin, art pauvre ou de récupération… Ils étaient peu nombreux car très défavorisés.
Ils furent les parents pauvres de l’Art, tenus à l’écart, contrairement aux musiciens qui s’étaient imposés, et cette horrible situation dura presque jusqu’à Jean-Michel Basquiat, aujourd’hui un des plus chers du marché… Compensation tardive et honteuse.
Allez voir (même sur Internet) Horace Pippin, Malvin Gray Johnson, Aaron Douglas, Archibald Motley, Jacob Lawrence ou les actuels Whitfield Lovell ou Mickalene Thomas, tous si doués, émouvants, drôles ou profonds, témoins de leur histoire parallèle.
C’est vraiment un pan inconnu du talent des Américains d’origine africaine qui se dévoile bien tard…On imagine ce qu’aurait pu être ces créateurs, s’ils avaient été reconnus, exposés, vendus, et pas seulement confinés à la pauvreté ou à enseigner un peu de dessin aux jeunes des quartiers, tous condamnés à rester à l’écart.
The Color Line. Les artistes africains américains et la ségrégation. Musée du Quai Branly Jacques Chirac. Du 4 Octobre 2015 au 15 Janvier 2016.
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Malvin Gray Johnson, Self portrait, © Smithsonian American Art Museum, Gift of the Harmon Foundation
Aaron Douglas, Into Bondage © Adagp, Paris, 2016
Tongues (Holy Rollers), 1929, Motley Jr., Archibald J. (1891-1981), Private Collection © Valerie Gerrard Browne, Chicago History Museum, Bridgeman Images
Horace Pippin, Mr Prejudice © DR
Jacob Lawrence, Pool Players, 1938. © Collection of AXA US /© Adagp, Paris, 2016