Les 10 ans d’un petit singe devenu grand.
Depuis sa création en 2012, le festival Pete The Monkey a bien grandi. Ce week-end à Saint-Aubin-sur-Mer, petite bourgade normande en Seine-Maritime, Pete fêtait ses 10 ans, et c’était justement le thème de cette édition : une boum d’anniversaire qui amène les festivaliers à retomber en enfance. Pete The Monkey, à l’image du nom de l’événement, n’est définitivement pas un festival comme les autres… On a vécu pour vous ces trois jours de boum, on vous raconte l’expérience du festival.
Si vous vous demandiez, comme nous, qui est Pete The Monkey, nous avons posé la question au cofondateur et programmateur du festival Louis Dumas. Pete est un singe qu’il a rencontré et filmé en Bolivie avec l’association CIWY. La vidéo du singe en train de laver une gamelle devient virale, Louis crée l’association avec son frère, sa copine et un ami, l’objectif est de sensibiliser le plus grand nombre à la déforestation et aux trafics d’animaux sauvages. À l’origine, c’est une soirée pour récolter des fonds. Aujourd’hui, Pete The Monkey est un festival à l’âme pionnière, un festival unique en son genre. C’est l’histoire d’un petit singe devenu grand.
L’une des particularités du festival, c’est qu’il est franco-anglais. Les quatre fondateurs sont nés outre-manche. La connexion avec l’Angleterre est d’autant plus forte avec la proximité de la Manche, la majorité du public anglais (qui représentait avant le Brexit jusqu’à 20% du public) débarquant dans le port de Dieppe en ferry depuis la ville de Brighton en Angleterre. « Pour eux, ils sont en vacances dans le sud, ils viennent en claquettes et en marcel », raconte Louis. Le mélange franco-anglais est timide le premier jour du festival, mais la fête rassemble, et on finit par y entendre parler “franglais”. De nombreux ateliers et performances sont aussi proposés par des Anglais, et vous le savez comme nous, les Anglais ont la culture du festival et ils savent faire la fête comme on l’aime.
Pete le petit singe, pourrait apprendre à faire la grimace aux vieux gorilles. À l’heure des gigantesques festivals, du féminisme washing et de l’écologie de façade, Pete, lui, est exemplaire et respecte tous les publics, petits et grands, et respecte au maximum l’environnement. Il reste aussi à taille humaine même s’il compte tout de même environ 4 500 festivaliers par jours et 350 bénévoles à l’œuvre, l’espace y est grand. Tout est fait pour se sentir à l’aise, une Safe Zone est présente sous un chapiteau du festival, avec des cercles de paroles mixtes et non-mixtes, des consultations avec une sexologue, des massages… Sur le festival, le topless est d’usage, un atelier propose même de confectionner des “caches-tétons”. Pete The Monkey, c’est le festival de la confiance en soi et où on se libère.
Et on cambre, poussez vos fesses, le pubis vers le haut
C’était notamment le message de la masterclasse de Patricia Badin et le Twerk Crew, sur la grande scène du château. Nous avons assisté au cours de Twerk avec l’égérie de la nuit, performeuse, danseuse et professeure, membre du collectif parisien La Créole. Après une introduction sur l’histoire du twerk, cette danse de fertilité provenant d’Afrique de l’Ouest captive le public et réussit à faire cambrer une cinquantaine de festivaliers de tous les genres. Elle donne ses instructions « Et on cambre, poussez vos fesses, le pubis vers le haut », sous l’œil amusé, mais bienveillant du public.
Ici, pas de norme de genre, on apprécie la diversité sexuelle et de genre sur le festival. Queer, drag queen, trans, on se déguise, on se transforme et on se fait beau surtout. Cette diversité, on l’a retrouvée sur la scène d’un club caché sur le site : « La Folie de Pete ». Une société secrète qui propose chaque soir des numéros « érotico-drama-surréaliste », pour rire, pour danser, mais aussi pour contempler. Parmi le casting, il y avait Dragoness Lola, Sara Zinger, et Corinne de “The Man inside Corrine” l’artiste, DJ et performeuse qui parcourt le monde entier. On a aussi eu l’agréable surprise de tomber sur une performance de Bernardino Femminielli accompagné sur scène de musiciens et de drag-queen pour une performance qu’il qualifie lui-même de « cabaret obscur ».
À Pete The Monkey, on ne s’étonne plus de rien, tout semble possible !
Qui dit fête, dit animation. Une douzaine d’ateliers animent le festival et l’on voit des festivaliers en “ramasse” réaliser des activités manuelles, souvent aux côtés d’enfants. On retourne à l’école primaire grâce au collectif Grand Écart, qui a installé une salle de classe en y organisant des dictées ou des fabrications d’herbiers. On y a même invité la musicienne Eloi à faire une tour de Kapla avec nous après son concert sur la scène Jibou. Et le groupe Walter Astral nous a donné un cours sur les druides, au tableau.
À Pete The Monkey, on ne s’étonne plus de rien, car à tout moment, vous pouvez tomber sur une course de sacs à patate, un concours de lancer de bottes, des oiseaux géants qui marchent sur le festival, un tournoi de foot avec un ballon en forme d’aubergine, des cérémonies de mariages organisées par le collectif anglais Nightscapes. Nous avons aussi été surpris par les cinq cabines téléphoniques installées sur le site et qui communiquaient entre elles. En milieu d’après-midi, on entend sonner un téléphone et ne voyant personne autour, on décide timidement de décrocher, au bout du fil, une bénévole du festival, à qui l’on se présente. Elle appelle depuis le téléphone proche de la garderie où elle s’occupe des enfants. Pour les plus timides, des postiers anglais en uniforme de la Royal Mail (la Poste anglaise), proposaient de faire passer des lettres anonymes à d’autres festivaliers.
On a testé pour la première fois, l’expérience dingue du concert au casque avec le groupe “Please”. Sur la façade de la scène, aucun son ne sort, on peut entendre le médiator du chanteur gratter les cordes de sa guitare. On reconnaît le public par les lumières vertes des casques que portent aussi les groupes. Le public danse silencieusement, sourire aux lèvres, jusqu’au moment où il reprend en chœur le refrain de « Fun and Games« . ll ne manquera pas d’acclamer le groupe à la fin de chaque morceau, un concert immersif qui offre une très bonne qualité du son.
Des découvertes et des artistes qui se fondent dans le public
Parmi les 45 groupes et les 30 DJ de cette édition, des têtes d’affiche comme les cousins Alan Braxe et DJ Falcon, Fishbach, grande habituée du festival, ou encore Amadou & Mariam qui ont remplacé Orchestra Baobab à cause d’un problème de visa.
On a pu voir sur scène des artistes que l’on a vus en live dans la Chambre noire de Radio Nova : Benjamin Epps, Crystal Murray, PPJ, Mr Giscard, Dombrance, Ichon… Et des artistes que l’on diffuse comme Camion Bazar, Bingo Disco ou encore Sara Zinger…
On vous le disait, ce festival est aussi et surtout défricheur et révélateur de talents. Comme Biensüre que nous rencontrons en matinée, lorsqu’ils tournent une “Monkey Session”. Le quatuor, basé dans les Alpes-de-Haute-Provence, mêle ses origines turques, kurdes, arméniennes et françaises en proposant une musique solaire chantée en turc et en kurde.
Une autre particularité, chez Pete, pas de coin VIP. Les artistes partagent une loge commune et se fondent dans le public. Fishbach, Walter Astral, PPJ, Please, Anna Majidson, Bernardino Femminielli, Quasi Qui, resteront plusieurs jours sur le festival, et assisteront aux concerts des uns et des autres. Beaucoup de partage, de rencontre et de bienveillance sur ce festival.
La cerise sur le gâteau d’anniversaire, c’est la grande parade qui a lieu le dernier soir. Elle s’élance depuis le public de la scène Jibou juste après le concert de Bien Sür. Un camion tracte la fanfare Belge « Pelouse Grass Band », suivi d’un gâteau d’anniversaire géant porté par des bougies vivantes. La parade fera une pause sur chaque scène du festival, nous retrouvons Patricia Badin et son Twerk Crew sur la scène Amphi, ça Bounce ! Les chars repartent ensuite vers le Camion Bazar qui enflamme la foule avec le morceau « La Grange » de ZZ Top ! Lorsque la parade repart, la fanfare reprend « La Planche » de La Femme. La course se terminera vers la grande scène du château où le concert de Ichon commencera devant un coucher de soleil, magistral.
Un moment épique pour fêter l’anniversaire de Pete The Monkey, couronné par un feu d’artifice au-dessus du château de Saint-Aubin-sur-Mer. On a été impressionné par ce festival qui propose une immersion totale et une ambiance de dingue, toujours dans la bienveillance et le partage. À l’année prochaine Pete, et encore une fois bon anniversaire.