“Rewind and Play”, documentaire d’Alain Gomis qui se concentre sur un entretien avec le jazzman légendaire Thelonious Monk en 1969, est une formidable escale dans les coulisses d’une interview compliquée.
Thelonious Monk appartient à la famille des musiciens complets, ceux qui savent absolument tout faire, et il en a hérité. Cette virtuosité, on la retrouve dans sa capacité à improviser, jusque dans la finesse des arrangements de ses compositions. Un parcours musical qui générait un certain enthousiasme dans le Paris jazz de la fin des années 60.
Rewind and Play
C’est presque par hasard qu’Alain Gomis, scénariste et réalisateur franco-sénégalais, découvre les images qui lui ont permis de fabriquer ce long format. Alors qu’il recherche des images pour l’écriture d’un film biographique, le cinéaste exhume des rushes (c’est-à-dire des séquences vidéos non utilisées) d’une émission pour la télévision française qui avait été enregistrée juste avant le concert de Thelonious Monk à la Salle Pleyel de Paris en 1969.
Cette émission, qui devait servir de promotion, était composée d’une séquence live ou le jazzman faisait résonner le son de piano, ainsi que d’une séquence d’interview pour que le public français en apprenne plus la vie, son quotidien et la pratique de Thelonious Monk. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu.
En 1969, Thelonious est au crépuscule de sa carrière, il vient de publier Monk’s Blues un album qui ne rencontre pas le succès, et la maison de disque qui l’accompagne commence à imaginer un avenir sans lui. À l’image, Monk semble lassé de ce jeu de promotion chronophage (3 ans plus tard, il mettra un terme à sa carrière et s’isolera jusqu’à sa mort le 17 février 1982).
Bernard, on l’a refait non ?
Au fil du documentaire, on capte les regards du pianiste qui paraît chercher une issue, un moyen de s’extraire de ce cadre promotionnel, de ces caméras braquées sur lui et de cette interview cul-de-sac. “Rewind and Play” ne place pas les tentatives de l’interviewer ou les réponses de Monk au centre de son propos, et se concentre sur les silences, l’attente et les moments de malaise intense. On ressent que le journaliste n’arrive pas à obtenir de réponse satisfaisante face à un artiste qui se bat pour garder une part d’intimité et laisser des séquences de sa vie loin des caméras.
Ce malaise crée aussi des échanges involontairement comiques entre les personnes présentes. En effet, l’interviewer se résigne à répéter inlassablement les mêmes questions, en cherchant à obtenir plus de réponses développées. L’impatience qui s’installe sur le plateau détourne l’interview initialement prévue en enchaînement comique de moments de gêne.
Si vous souhaitez découvrir les coulisses de cette soirée imprévisible en compagnie de Thelonious Monk, le documentaire Rewind and Play est disponible sur la plateforme de streaming en ligne d’Arte.
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.