Entre portrait de mère et catharsis de sa fille, Little girl blue, apaise les craintes d’une hérédité.
25 caisses. C’est la somme de documents à propos de sa mère que Mona Achache stockait chez elle. 25 caisses de lettres, photos et enregistrements longtemps mises à distance. Pas tant parce qu’elles symbolisaient un deuil difficile (cette mère s’étant suicidée) que par habitude de la réalisatrice d’avoir refoulé une enfance malheureuse. Ce décès soudain a pourtant forcé Achache à se confronter au parcours d’une génitrice qui aura côtoyé un milieu artistique, notamment celui littéraire, de Duras à Genet, qui aura brisé ses propres élans, embarquée dans la vague post-68arde pour faire les frais de ses excès libertaires.
Par ricochet de l’inconscient, sa fille pâtira d’un mal-être qui l’a contaminée à son tour. Pour ne pas perpétuer cet héritage ultra-névrosé, Achache a déballé ces caisses mais aussi ressuscité sa mère par procuration, en demandant à Marion Cotillard d’incarner, à partir de ces archives, sa parole, son corps, ses pensées, jusqu’à être un saisissant double. Envoûtant dialogue avec un spectre, « Little girl blue » filme ce processus pour le transcender non pas en thérapie personnelle, mais en portrait collectif d’une génération de femmes ayant souffert d’une absence de clés pour comprendre celle qui les a précédées. Ouvrant les doubles-fonds de tiroirs psys, cet inhabituel documentaire fascine autant par ce qu’il montre d’une actrice accouchant d’un personnage que dans sa part d’exorcisme résilient permettant à Achache de rompre avec un cycle de douleurs. Incroyablement émouvant dans sa démarche introspective, « Little Girl blue » l’est encore plus quand il reconstruit le puzzle d’une mère pour mieux rassembler les morceaux émancipateurs de sa fille.
En salles le 15 novembre.