Des albums, il en sort désormais 2520 par semaine (chiffre approximatif). Pour vous aider à faire le tri, voici la sélection hebdo de Radio Nova des albums à ne pas louper.
Lomepal, Mauvais ordre
“J’ai peur de devenir l’image que je renvoie”, rappe Lomepal sur “Mauvais ordre”, et cette punchline-là résume tout. Après des années d’hyper productivité artistique (deux albums parus, la promo, les concerts, la sur-sollicitation… l’angoisse !), le rappeur parisien a dû faire une pause pour remettre en ordre les idées, aérer l’esprit, prendre le temps de se rappeler le pourquoi du comment. Ralentir le rythme pour mieux repartir. Après Flip (2017) et Jeaninne (2018), Mauvais ordre est un disque qui court du rap à la chanson, du bio à la fiction, du mainstream au souterrain, du rap sensible au rap à punchline, du très produit au quasi acoustique (“Envie d’planter quelques tomates et d’faire du son sans ordi”) et qui assume, pour de vrai, les cicatrices d’Antoine derrière le masque de Lomepal. “J’suis l’mauvais ordre en personne / J’me sens moi-même comme personne”, chante-t-il afin de signifier une singularité, qu’ici chez Nova et après lui avoir offert une carte blanche teintée de vérité il y a quelques années, on ne lui contestera pas.
Mura Masa, Demon time
Vous savez sans doute, vous qui avez passé le bac de français et avez lu Les Contemplations, le lien qu’entretient Victor Hugo avec l’île de Guernesey, où le Français s’était exilé durant le règne de Napoléon le Petit, empereur avec qui les atomes n’étaient pas crochus, mais plutôt acides. Vous savez sans doute moins, vous qui aviez écouté en boucle la petite bombe “Love$ick” en 2016, que Mura Masa, producteur parfois contemplatif, souvent perché, est, lui aussi, né sur cette île de la Manche à domination anglaise. Il vous reste désormais à tenter de lire Les travailleurs de la mer en écoutant fort l’hyperpop qui regarde dans toutes les directions de ce producteur open-minded et hyperactif. Hip house sur « hollaback bitch » avec Shygirl et Channel Tres, pop tendre sur « e-motions » avec Erika de Casier, drill et UK garage sur « bbycakes » avec Lil Uzi Vert, PinkPantheress et Shygirl… y en a pour tout le monde, et surtout pour ceux qui ne savent pas décider, à la croisée des chemins, laquelle des routes emprunter.
Stupeflip, Stup Forever
En parlant de démon, du vrai, de l’authentique, c’est son retour aussi, ce vendredi. Pas celui avec les cornes, la queue pointue et les flammes. Bien plus intéressant que ça. Punk, indépendant, en roue-libre à 200 km/h en sens inverse sur l’autoroute : King-Ju (et ses acolytes Cadillac et MC Salo) revient avec son Stupecrew, ce « truc explosif » qui ne « met que des balles dans ton baladeur« , se « castrerait sans le shit« , “crie aujourd’hui” parce qu’il est « né dans la violence« . Toujours portée par des productions dantesques et des rimes saignantes, ce « super champignon qui pénètre ton acéphale » fait ce qu’il sait faire sur ce sixième album toujours aussi offensif. La meute, de nouveau, est lâchée et mauvaise nouvelle pour les moutons, les suiveurs et les amateurs des angles qui se brisent à force de s’arrondir : les dents, le sens de l’humour et les punchlines, de ce côté-ci de l’univers, sont toujours aussi acérés.
Butcher Brown, Presents Triple Trey
Et puis, si ce n’est l’heure du crew, voilà alors peut-être celle de Butcher Brown, quintet originaire de Richmond (en Virginie) qui oscille entre free jazz, brass band, rap groovy. Ce neuvième album, Triple Trey, s’inspire de l’album solo du emcee Tennishu, un album, de rap donc, revisité aujourd’hui façon big band. Grand mix et grande joie.
Little Dragon, Opening the Door
Terminons enfin ce tour des sorties de la semaine, et après avoir plongé l’âme la première dans l’EP de Blood Orange (Four songs), avec un disque aux accentuations pop. Celui, venu de Suède, du trio Little Dragon (beaucoup joué sur cette antenne), qui sort sur le label Ninja Tunes trois titres aux accents downtempo, néo-soul et même psyché, pop et tribal sur « Peace », en featuring avec Stefan Sandberg. Dansons, désormais.