En plein week-end de revendications des gilets jaunes contre la hausse du prix du pétrole.
Un jeudi sur deux, dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Nova, Queenie Tassel transforme l’actu en œuvres d’art dans La Chronique Art. Vous pouvez la lire, ici, ou bien l’écouter en podcast. Après un week-end de revendications de la part des gilets jaunes, c’est l’occasion de parler de la présence de l’or noir dans l’art.
L’art carbure au pétrole. On peut dire sans trop s’avancer que c’est une ressource qui fout la merde entre pas mal de pays, et le pétrole a donc inspiré de nombreux artistes engagés. Parmi eux, l’artiste béninois Romuald Hazoumè, qui fabrique des œuvres à base de bidons d’essence. Des bidons à l’Africaine, des Jerrycans. Pour lui, ces objets symbolisent le Bénin, car ils sont omniprésents dans les rues. Quasiment personne n’achète d’essence à la pompe dans le pays. On l’achète dans la rue, elle provient du trafic avec le Nigeria voisin.
Impressionnante #exposition #RomualdHazoumè @Gagosian au #Bourget #team229 #Bénin#Masques pic.twitter.com/aaRtoe6gt3
— Marie-Cécile Zinsou (@McZinsou) April 17, 2016
Montre-moi ton bidon je te dirai qui tu es
Pour Romuald Hazoumè, les jerrycans sont une sorte de carte d’identité des Béninois : « Je connais le propriétaire en analysant le bidon qu’il transporte. Grâce aux signes qui sont marqués dessus, grâce à la peinture, on peut tout de suite dire à quelle religion appartient cette personne, catholique, musulmane, animiste… », expliquait-il en interview (ci-dessous) en juillet dernier.
Les bidons transportés par les Béninois sont si intimement liés à leur identité que Romuald Hazoumè en a fait des masques. Il a découpé le haut des jerrycans en plastique et les a posés à la verticale : la poignée devient un nez, le bouchon, une bouche. Il rajoute à cela des cheveux en tissu, en corde… et chaque masque devient unique. Il leur donne même des petits noms : Chouchou, Miss Dakar, Cheveux de feu…
Pour lui, il s’agit d’évoquer le néo-colonialisme, car ses bidons représentent deux choses que les pays occidentaux volent à l’Afrique : le pétrole, et les masques africains.
Une marée noire au Louvre
De nombreux musées, notamment, à Paris, le Quai Branly et le Louvre, sont critiqués à ce sujet. En mars 2017, le collectif français « Libérons le Louvre » a d’ailleurs organisé un happening en signe de protestation : une marée noire en plein musée du Louvre. Une marée non pas faite de pétrole, mais d’un grand tissu noir étendu sur les escaliers, au pied de la sculpture La Victoire de Samothrace (vous savez, c’est celle qui représente une femme avec des ailes mais sans tête, celle du clip de Beyoncé), et d’une vingtaine de personnes, toutes de noir vêtues. Leur but : rappeler au public que c’est Total, responsable du naufrage de l’Erika, qui paye pour que les œuvres soient entretenues.
Du vrai pétrole dans les œuvres
Et puis il y a aussi ces artistes qui utilisent l’or noir comme matière première. Le russe Andrei Molodkin mélange pétrole et sang pour en faire des sculptures. Pour lui, ces deux liquides sont les plus importants sur terre. Le pétrole comme « nerf des guerres contemporaines », et le sang « c’est la vie », dit-il. Il injecte ce mélange dans des blocs en PVC transparents, creusés d’un message qui apparaît donc, en noir. Son œuvre « YES » (2007), comportait les trois lettres représentant le Yen, la monnaie japonaise, le E pour l’Euro, et le S de dollar. La démarche étant, vous l’aurez compris, de rappeler que le pétrole, c’est une guerre économique qui profite aux monnaies puissantes.
@NonPrintingC @HuffingtonPost #NPClive Andrei Molodkin, « YES » 2007 pic.twitter.com/hi7ldq1BnJ
— Johan fdw (@johanfdw) October 5, 2013
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