La chronique énervée de ce con de Jean Rouzaud.
On voit se développer un peu partout de grosses expositions officielles dans les lieux de l’establishment culturel…essayant de mettre en boîte la contre-culture ! On ramasse quelques photos, des bouquins, un bout de film, des gribouillages, des peintures, un peu de son et, avec pleins de commentateurs pour un catalogue – entre journalistes néo pros et fans pigistes -, nos muséeux se la jouent amateurs des cultures souterraines.
Après le Jazz, la Beat Generation, la Pop, le Rock, le Punk…Voici venir le Reggae et sa cohorte de fantômes ! Il faut donc un demi-siècle pour que les ministères se paient enfin le luxe de montrer ce qu’ils ont ignoré si longtemps ?
Étrange que ceux qui ont interdit ou puni ou méprisé les héros de ces marginalités, n’hésitent plus à les mettre en présentoir dans ces lieux de culture BCBG, où toutes sortes de petites mains, issues de milieux favorisés, bricolent ces collages tardifs (on ne fait JAMAIS appel aux survivants de ces cultures !!!)
Le problème est que malheureusement, ces expressions souterraines, à contre-courant, révoltées, issues de la rue, ne sont parlantes que VIVANTES. Au moment où…pas après !
L’underground ne supporte que le désordre, la passion, un je-ne-sais-quoi de mélange, d’intuition…et surtout des personnalités concernées, obsédées, assez peu capables de s’intégrer à la société et à son fonctionnement faussement au point.
À la fois archaïques et modernes, les acteurs et créateurs de contre-culture sont des médiums, mais qui ont un « background » , une expérience importante , et de bonnes raisons de refuser le système.
D’ailleurs le système est mécaniste, productiviste, et très mauvais pour les intuitions et les visions des fondateurs de ces mouvements. Tous ont été rejetés, refusés, chassés…quand ce n’est pas achevés… en leur temps !
Donc récupérés, par petits bouts, longtemps après coup, ces expos et catalogues sont souvent frustrants, voire complètement à côté de l‘« esprit du truc ».
Enfin, ces expositions ignorantes, sont aussi mégalomaniaques ou inconscientes, en s’attaquant à des périodes beaucoup trop longues pour tenir en une fois ! (allez hop, on rattrape le temps perdu d’un seul coup).
Ayant vidé mon sac de venin, je concède que ces non-évènements peuvent parfois, par miracle, réveiller l’attention ou la curiosité de certains, qui doivent alors se renseigner. Mais un léopard empaillé n’a AUCUNE chance d’évoquer le léopard.
Voici venir, à la Cité de la musique, la JAMAÏQUE ! Pas moins ! Pour ceux (comme moi) qui ont sué ou serré les fesses sur l’île d’émeraude, et qui en ont entraperçu la force, et la complexité, il y a de quoi s’interroger.
Car la Jamaïque a été un accélérateur de particules, une compression forcée de cultures opposées (Africains, colons, soldats , planteurs etc. Venus de partout), dont la musique est une mosaïque d’influences et de nécessités, d’accidents et de violences, qui a frappé le monde de plein fouet, grâce à sa « vibration ».
Comme toute alchimie, la musique jamaïcaine est pleine de secrets, de trucs, de miracles, de superstitions…Alors on se gargarise de mots bizarres : Pocomania, Nyabinghi, Burru…Pour avoir l’impression de mettre un pied dans la secte.
Bon courage quand même, mais n’allez pas vous prendre pour un Rude Boy !
Philharmonie de Paris. Parc de la Villette. Du 4 avril au 13 août 2017 + le catalogue-album de l’expo. 285 pages couleurs, 39 euros (plus de 35 contributeurs. Des pochettes, des labels, des peintures, des DJ’s, des photos souvenirs, et des tas de textes, d’historiques, de listes et d’histoires…)
Visuels : © Expo Beat Generation au Centre Pompidou, © Beth Lesser / Scatter devant le studio de King Jammy, 1987, © Expo Europunk à la Cité de la Musique