Cette écrivaine, agronome et permacultrice parisienne sème des graines comportementales (et de la roquette) pour un avenir où notre empreinte carbone sera « divisée par quatre », et où « l’oppression des femmes et l’oppression des sols auront concomitamment cessé ».
Au tout début de son premier roman, La Dislocation, paru en septembre dernier aux éditions Harper Collins, Louise Browaeys cite douze types de dislocation, parmi lesquelles : celle de la banquise, celle des amitiés adolescentes ou celle de l’adversaire militaire, avant de s’arrêter sur la dislocation psychique, qui peut provoquer « des hallucinations, un langage délirant, hermétique ou chaotique », une pensée désorganisée, des affects perturbés. Son héroïne se réveille après trois mois – ou trois ans ? – de traitements par électrochocs à l’hôpital, la mémoire en gruyère, épuisée par un « vide » qui demeure à l’intérieur d’elle. Reste un mois au lit, sans ouvrir la bouche. Retrouve peu à peu l’usage de la parole, soulage son « cœur oppressé » en fréquentant des libertins, en vivant une agréable bisexualité, jusqu’à ce que les souvenirs lui reviennent. Il sera question – SPOILERS, NE LISEZ PLUS, DANGER DE MORT – d’une « pyramide » antiatomique de verre et de métal, « imperméable à toutes les pollutions », bâtie dans la jungle guyanaise, propriété autosuffisante d’une secte écoféministe new age des années 80 « confinée » à perpétuité, abritant pléthore d’écosystèmes à protéger et baptisée… « L’Arche II » ; la première étant celle de Noé, et non celle de Nova.
(VOUS POUVEZ REPRENDRE LA LECTURE DE CET ARTICLE. TOUT RISQUE DE RUPTURE DU PACTE NARRATIF EST DÉSORMAIS ÉCARTÉ.) Née à Nantes, fille de pépiniériste devenue ingénieure agronome et permacultrice, la Parisienne Louise Browaeys, 35 ans, est l’autrice d’essais sur l’agriculture et de nombreux livres de cuisine écolo. À bord de notre navire utopique, elle sème des graines comportementales (et de la roquette) pour un avenir qui sera « aussi merveilleux, aussi irrespirable, aussi tragique qu’aujourd’hui ». Mais où notre empreinte carbone sera quand même « divisée par quatre ». Où « l’oppression des femmes et l’oppression des sols auront concomitamment cessé ». Où nous écrirons de nouveau des lettres, tout en pratiquant la broderie. Après la dislocation, le temps du tissage.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : La Belle Verte, de Coline Serreau (1996).